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  • Aquarium en verre - Partie 1 : au cœur de la cuve


    Denisio
    • Imaginer et réaliser un aquarium ou établir quelques règles pour sa conception nécessitent de comprendre le comportement d'une cuve remplie d'eau. Comment réagissent les divers éléments d'une cuve ? Je vous propose, dans cette première partie, d'aborder quelques aspects théoriques sur le verre, les joints, leurs sollicitations... en s'immisçant au cœur des matériaux, au moyen d'un logiciel de simulation CAO 3D. Autant d'observations qui pourront dans une seconde partie, étayer ou nécessiter de réviser les principes établis.

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    Partie 1 : Au cœur de la cuve - Partie 2 : Conception, réalisation.

    1. Matériaux

    Un aquarium en verre collé est constitué de deux seuls matériaux : du verre et de la colle silicone.

    1.1. Le verre

    1.1.1. Origines

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    Structure siliceuse de diatomée.

    Si l'utilisation du verre sous une forme naturelle comme l'obsidienne d'origine volcanique, taillé pour fabriquer des objets tranchants, date de la préhistoire, le monde végétal n'a pas attendu l'homme. Depuis des millénaires déjà, des microalgues présentes en masse dans le plancton marin et que nous connaissons bien pour les côtoyer tous les jours, les diatomées, élaborent biologiquement du verre. En effet, ces organismes unicellulaires s'entourent d'un exosquelette à partir de la silice en solution dans l'eau, la frustule, semblable au verre. Les chimistes ne s'y sont pas trompés puisque, copiant ces diatomées, ils polymérisent maintenant de nouveaux types de nano particules de verre qui trouvent déjà des applications médicales comme le transport de médicaments à l'intérieur même de corps humain.

    Environ 4000 ans av. J.-C., les mésopotamiens ont les premiers, fondu puis moulé du sable pour obtenir plus tard, 1500 ans av. J. C, un verre opaque. Avec l'amélioration des fours dont la température est plus élevée, et la sélection de sables plus affinés, on moule les premiers verres transparents puis, en leur ajoutant des oxydes métalliques l'émail fait son apparition complétant ainsi une utilisation au début essentiellement esthétique (bijoux, décoration des céramiques) et progressivement plus utile (des récipients). Le verre soufflé apparait au début du premier millénaire, Le verre à vitre, connu des Romains prend son essor au Xème siècle pour la fermeture des fenêtres. Il s'impose encore au XVème siècle avec le verre clair obtenu par les Vénitiens (Murano), à partir d'un matériau débarrassé de ses impuretés. L'utilisation de potasse purifiée pour améliorer le coulage, le plomb pour obtenir un verre cristal et différentes techniques d'étirage et de laminage... lancent son industrialisation au milieu du XIXème siècle pour aboutir aux verres actuels.

    1.1.2. Verre et verres

    Le verre inorganique, sans rapport avec les verres organiques (en matière plastique) ou métalliques, est un produit dur, cassant, transparent. C'est un matériau amorphe (non cristallin), c'est à dire que son réseau moléculaire en trois dimensions n'est pas ordonné. Bonne nouvelle pour nous récifalistes, cette structure permet d'y introduire d'autres substances qui lui confèrent des caractéristiques intéressantes comme une meilleure mise en œuvre permettant d'obtenir les vitres de nos aquariums. Mauvaise nouvelle, la lumière qui traverse un matériau amorphe se disperse (diffraction) de manière plus diffuse qu'à travers un cristal en silice.

    Le verre est composé d'un élément principal, le plus souvent le silicium SI, sous forme de dioxyde de silicium SiO2 (principal constituant du sable), auquel on ajoute un ou plusieurs éléments modificateurs : des fondants (potasse, feldspath...) qui abaissent le point de fusion ou la viscosité, facilitant ainsi la transformation, et des colorants (métaux et oxydes métalliques).

    Parmi les principaux verres inorganiques citons :

    • Le verre silico-sodocalcique : à base de silice SiO2 (72%), de sodium (13%) et de calcium (5%). Il est chimiquement stable mais sensible aux chocs thermiques. C'est le plus répandu, utilisé dans la fabrication des verres, ampoules électriques, bouteilles et vitrages. Il représente 90 % des productions. C'est le verre utilisé pour les aquariums.
    • Le verre au plomb  : composés de silice, oxyde de plomb et potasse. Il porte le nom de cristal quand sa teneur en plomb dépasse 24%. Il est destiné à la verrerie d'art, les téléviseurs et en électronique et pour la protection aux rayons X quand la teneur en plomb atteint 60%.
    • Le verre borosilicaté : à base de silice, d'anhydride borique, de soude et d'alumine. Comme le Pyrex, il se caractérise par une bonne résistance aux chocs thermiques et aux agressions chimique. Il est utilisé en verrerie de laboratoire, ustensiles de cuisine et pour l'isolation (fibres de verre).
    • Le verre de quartz ou de silice : contient au moins 96% de silice. Sa grande pureté le destine aux applications optiques ou pour résister aux températures élevées, à la corrosion et aux chocs thermiques.

    1.1.3. Fabrication des feuilles de verre

    Le verre est un matériau viscoélastique, il passe de l'état fondu à l'état solide (transition vitreuse) de manière assez rapide autour de 600 °C. Les conditions (viscosité, vitesse de refroidissement, pression...) imposée durant cette phase influent sur les caractéristiques finales du matériau.

    Figure 1 : Fabrication par procédé "float"
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    Chaîne de fabrication du verre chez Pilkington.

    Le verre silico-sodocalcique industriel , qui intéresse les aquariophiles, est maintenant quasi exclusivement issu du procédé "float glass" (fig. 1) : un mélange de matières premières (sable blanc, soude, dolomie, chaux et bris de verres) est porté à fusion à 1550°C dans un four. La haute température et la faible viscosité contribuent à son débullage. Il en sort à l'état visqueux, sous forme d'un ruban flottant à la surface d'un bain d’étain fondu en absence d'oxygène, sous atmosphère neutre ou réductrice (dihydrogèn. La surface très lisse de l’étain fondu et sa température confèrent au verre une excellente planéité, rendant caduque le polissage ou le meulage pratiqués auparavant. Le ruban de verre est ensuite introduit dans un four pour un refroidissement lent et contrôlé jusqu'à 250°C. Cette étape, bien que réalisée en ligne sans refroidissement intermédiaire, permet de relâcher les contraintes internes, c'est la recuisson. Vient enfin le découpage en plaques avant stockage. Ces plaques sont utilisées en l'état pour le vitrage ou refondues pour le moulage (flaconnage), bombage, thermoformage, extrusion (fibres de verre, tubes pour le soufflage), avec éventuellement des traitements de surface (antireflets, hydrophobes).

    1.1.4. Cintrage du verre

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    Pliage d'une plaque de verre dans un four. Elle prend la forme du gabarit à sa température de ramollissement.

    Certains vitrages d'aquariums aux formes courbes ou disposant d'angles arrondis sont obtenus avec des plaques de verre cintrées. Le cintrage du verre d'aquariums est réalisé par thermoformage. Ce procédé consiste à chauffer la plaque de verre à sa température de ramollissement vers 600 °C ou elle devient ductile, pour la mettre en forme par gravité sur un moule adapté au contour souhaité. Le matériau refroidit progressivement de façon contrôlée (quand il n'est est trempé) en gardant cette forme.
    L'opération est délicate, il s'agit de conserver les caractéristiques du verre après cette épreuve thermomécanique. Elle peut se réaliser de manière artisanale par des compagnons expérimentés ou industriellement (pare-brise automobiles). Un procédé de fabrication reproductible, souple et économique consiste à chauffer la feuille, puis à surchauffer précisément la zone de cintrage à l'aide d'un chauffage supplémentaire pour qu'elle se cintre par gravité sur un support qui se conforme automatiquement à l'intérieur du four.

    Afin de réduire les risques de casse, la manutention des verres bombés exige de maintenir les volumes par les bords rectilignes et par le milieu de la courbure, de stocker le vitrage en position verticale sur le côté de son développé. Par ailleurs, le verre ne doit pas être bridé lors de son utilisation.

    1.1.5. Types de verres utilisés dans les vitrages

    Indépendamment de leur composition, les caractéristiques des verres dépendent aussi des traitements de fabrication mécaniques, thermiques ou des renforts éventuellement utilisés. Les différents types de verre qui s'offrent à l'aquariophilie (verres recuits, durcis, trempés ou feuilletés) possèdent des caractéristique mécaniques (limite élastique Re) où optiques (transmission lumineuse T) variées. Certains seront plus adaptés là où les normes de sécurité ou de résistance priment, d'autres permettront de rentrer dans un budget plus serré.

    Classification générale des verres
    TYPE DE VERRE PARTICULARITÉS Résist. mécan.
    Rm
    Verre à vitre La feuille de verre, en sortie de four est étirée verticalement et laminée entre deux rouleaux avant de pénétrer dans une zone de recuisson. Ce procédé est abandonné au profit du procédé float plus performant et économique, sauf pour les verres fins, destinés au vitrage. La surface est moins plane, ce verre n'est pas utilisé pour la réalisation des aquariums. 15 MPa
    Float recuit Ce verre appelé "glace" par distinction des vitres ci-dessus, ou "glass" ou "float" ou "verre flotté", est maintenant systématiquement recuit. Sa dénomination normalisée est "vitrage recuit NF EN 572-1". Comme on l'a vu plus haut, cette recuisson consiste à remonter le verre en température en un temps dépendant de l'épaisseur. Elle permet un certain ramollissement autorisant le relâchement des contraintes internes, ce qui en améliore notablement la résistance. La recuisson est suivie d'un refroidissement maîtrisé.
    Le verre float recuit est disponible dans des épaisseurs de 2 mm jusqu'à à 25 mm chez certains verriers. Le verre float recuit est parfaitement adapté à notre loisir, il est couramment utilisé par les fabricants d'aquariums destinés aux particuliers.
    Le type standard est dit "clair" avec une transmission lumineuse TL de 84 à 90% selon l'épaisseur. La présence de certaines impuretés engendre une dominante verdâtre aisément identifiable en examinant la tranche des vitrages.
    Le type "extra clair", 30 à 50 % plus cher, à très faible teneur en oxydes de fer, offre une transmission lumineuse accrue (TL ≥ 90 %) et une diminution des dominantes colorées. Le gain est d'autant plus important que l'épaisseur est plus grande.
    SGG Planilux
    SGG Planiclear
    (clair)

    SGG Diamant
    (extra clair)

    45 MPa
    Durci
    Le verre float durci, appelé improprement “semi-trempé” subit un traitement thermique spécifique dans un four. Ce traitement augmente la résistance mécanique et aux chocs thermiques. Sa fragmentation se fait en éclats de grandes dimensions, cependant, il n'est pas considéré comme un produit de sécurité et ne doit être utilisé que pour les volumes inférieurs à 1000 litres et sans présence humaine. SGG Planidur

    70 MPa
    Trempé Lors de la trempe thermique, le verre float est réintroduit dans un four à une température proche du ramollissement >600°C puis refroidi brutalement en surface par un jet d'air. Ce procédé de refroidissement met les deux faces en compression, il augmente fortement la résistance mécanique et aux chocs thermiques. Ce verre existe aussi avec très haute résistance mécanique et se positionne pour des organes en atmosphère chaude ou de sécurité. Cependant il n'est pas recommandé en aquariophilie. En effet il ne peut être ni façonné ni coupé et sa fragmentation en petits morceaux est trop brutale pour autoriser la moindre l'intervention dans l’aquarium pour sauver les animaux en cas de rupture. La trempe générant des imperfections de surface, on lui préfère le durcissement pour le vitrage de façade, ou le feuilletage pour les pare-brise. Les verres traités "Heat soak" offrent une meilleure résistance et fiabilité ; ils subissent un traitement thermique destructif éliminant ceux présentant des inclusions de sulfure de nickel qui le fragilisent. Il existe également une trempe chimique laquelle, en modifiant les ions de surface, améliore la résistance aux impacts et aux contraintes mécaniques. Cette dernière, contrairement à la trempe thermique, permet de tremper des épaisseurs de 2 à 3 mm. SGG Sécuripoint

    Heat soak :
    SGG Sécuripoint

    120
    à
    150 MPa
    Feuilleté C'est un assemblage sous pression et chaleur, de plusieurs verres (recuits, durcis ou trempés), à l’aide d’intercalaires, généralement en butyral de polyvinyle (PVB) ou éthylène acétate de vinyle (EVA), de 0,38  mm d'épaisseur, mais aussi parfois de résine ou d'un gel. Le ou les intercalaires permettent eux seuls, d'améliorer la résistance aux impacts, d’assurer la protection des personnes et des biens ou d'augmenter le confort acoustique. Il existe plusieurs types de verre feuilleté : le "verre feuilleté" (NF EN ISO 12543-3) dont l'intercalaire empêche la projection des éclats de verre et le "verre feuilleté de sécurité" (NF EN ISO 12543-2) lequel, de plus, n'est pas traversé par un impact normal. Le nombre de feuillets, leur épaisseur et la nature du film déterminent les niveaux de protection selon l'installation et le risque encouru pour les personnes. Ils sont utilisés pour les aquariums de gros volumes et les installations recevant du public. Feuilleté de sécurité

    SGG Stadip
    2 feuillets

    Stadip Protect
    2 feuillets


    120
    200 MPa

     

    Note : la résistance mécanique Rm d'un verre pur est de 2500 à 3600 MPa. Dans la pratique, cette limite est bien inférieure, prenant en compte comme on le verra plus loin, les faiblesses du verre liées à sa fabrication, sa vie ou son utilisation. Les calculs de verres d'aquarium utilisent une contrainte admissible de l'ordre de 6 à 12 MPa selon les coefficients de sécurité.

    Sauf exigences particulières, les miroitiers proposeront du verre float recuit, clair ou extra clair dont les performances sont certes connues, mais le verre possède une mémoire infaillible et ses caractéristiques pourront être affaiblies à chaque évènement de sa vie. Il sera soumis à des contraintes de longue durée, dues à la pression hydrostatique, ou brèves, dues aux chocs que l'on prendra en compte dans le calcul de l'aquarium. Pour autant, il doit toujours protéger les occupants de l'aquarium tout autant que les humains. Toutes les précautions doivent donc être prises durant la découpe, le transport, les manipulations, l'assemblage, le montage et à l'emplacement final pour ne pas ajouter des rayures, des chocs ou des déformations de nature à amplifier les contraintes internes ou créer des zones de fragilité.

    1.2. La colle silicone

    Comme pour le verre, le silicium Si est le premier constituant de la colle silicone. Le silicium est obtenu à partir de silice (dioxyde de silicium SiO2) ou de silicates qui en contiennent, par chauffage au four électrique, en présence de carbone. Inerte à la température ordinaire, il se combine facilement à l'oxygène aux températures élevées. Si l'usage du silicium dans le verre est connu depuis longtemps, c'est en 1824 que l'on produit le tétrachlorure de silicium, la base du silicone, par combustion du silicone dans un courant de chlore. Ce n'est que beaucoup plus récemment, en 1930, que l'on exploite la propriété du silicium à fixer des groupes organiques qui permettront la polymérisation, c'est à dire la production de polymères à partir de macromolécules, aux propriétés si exceptionnelles que la seconde guerre mondiale en accélérera le développement. Après les huiles et les graisses, les premiers élastomères silicones voient le jour en 1945, supplantant sur de nombreux points, les élastomères d'alors, basés sur la chimie du carbone.

    Le silicone est donc un macropolymère (polysiloxane) inorganique formé d’une chaîne silicium-oxygène (...-Si-O-Si-O-Si-O-...). La réaction chimique de polymérisation (polycondensation par hydrolyse) se traduit par la formation de chaînes dont on peut régler la longueur, par greffages terminaux, pour obtenir un matériau de consistance adaptée à l'usage (huile, gel, élastomère...). Le plus fréquent est le polydiméthylsiloxane (PDMS). Certains greffages sur l'atome Si, ont également pour but de créer des sites réactifs qui permettront de lier les molécules ultérieurement. Par exemple, le groupe organique méthyle CH3 pour les colles et adhésifs. La liaison des atomes Si et O est très mobile et de forte énergie, celà confère au matériau, un caractère souple et de bonnes résistances générales (chimique, température, UV, mécaniques...) conservées dans une large gamme de températures.

    Le passage du stade macropolymère visqueux (une pâte épaisse) à celui d'élastomère élastique (aux formes souhaitées), consiste à créer des liaisons entre les molécules, par une réaction chimique à froid ou à chaud (vulcanisation ou réticulation). Les pontages obtenus génèrent ainsi un réseau élastique. Le matériau revient en forme après avoir été déformé : il est élastomère.

    Les colles silicone sont des élastomères vulcanisables à froid (EVF). D'autres terminologies sont utilisées : colle froid (CAF) ou silicone RTV (Room temperature vulcanisation). Les colles que nous utilisons sont dites "acétoxy". Produits monocomposant, leur durcissement chimique est déclenché et s'enchaîne par hydrolyse (condensation) des groupes réactifs acétoxyloxysilane sous l'action de l'humidité atmosphérique (le catalyseur). La condensation se poursuit lentement au sein de la colle, par diffusion de la vapeur d'eau. Cette vulcanisation est accélérée par des composants qui dégagent de l'eau par réaction avec l'acide acétique, d'où l'odeur de vinaigre.

    La colle silicone est composée :

    • De polymère silicone, le polydiméthylsiloxane (PDMS) ;
    • de charges renforçantes, essentiellement la silice qui améliore notablement les propriétés mécaniques (rupture, déchirement...) ainsi que la thixotropie de la colle, l'empêchant de couler ;
    • d'adjuvants pour l'adhésion, à base de silanes ;
    • éventuellement d'un colorant ;
    • d'un agent de vulcanisation le méthyltriacétoxysilane ;
    • d'accélérateurs de vulcanisation.

    Les élastomères silicone sont dotés de nombreuses qualités d'exception. Mais ils ont aussi quelques points faibles. Hormis leur perméabilité aux gaz, signalons la vulcanisation par hydrolyse et réaction acétique, qui provoque la corrosion de certains métaux. Elle nécessite des précautions particulières en présence de verre renforcé ou feuilleté. Cette réaction chimique est par ailleurs, facilement inhibée par de nombreux polluants (corps gras, solvants...). Elle impose quelques précautions indispensables pour obtenir un bon durcissement et l'adhérence attendue avec le verre, dans la durée.

    2. CAO 3D, un outil d'analyse et de simulation... aussi pour les aquariums

    Le calcul de structures statiques se base sur des notions relativement simples, mais il se complique avec les formes et les sollicitations. L'artisan, sur le terrain, fait appel à des formules empiriques issues d'une expérience, comme par exemple estimer que l'épaisseur d'une glace d'aquarium doit mesurer deux fois la hauteur divisée par dix. Ces approximations ne sont acceptables que pour un usage ciblé. Les concepteurs doivent faire appel à des modèles physiques plus sérieux, bien que simplifiés pour en permettre l'utilisation. Citons Timoshenko dont les travaux relatifs aux plaques, permettent de calculer l'épaisseur d'une glace en verre. Ils sont utilisés encore aujourd’hui par les plus grands verriers et dans des calculateurs d'épaisseurs. Leurs formules et abaques s'étendent à de nombreux cas mais ciblent malgré tout des formes particulières (poutres, plaques, anneaux...). Le calcul manuel devient impossible quand les formes et les sollicitations sont plus complexes. Les bureaux d'études utilisent aujourd'hui la puissance des processeurs informatiques et des logiciels de conception assistée par ordinateurs (CAO) pour concevoir des formes en relation avec les matériaux et leur environnement. Il va sans dire que ces résultats, même s'ils font appel à des algorithmes étudiés, doivent toujours être validés par comparaison avec des cas existants similaires, ou des tests.

    Il était tentant d'utiliser un tel logiciel de CAO pour comprendre comment se comportent mécaniquement un aquarium en verre et ses éléments (glaces, renforts, colle...), en situation, et d'en déduire des règles de conception applicables simplement, par tous. Ces logiciels permettent aussi de présenter des résultats de manière très visuelle, compréhensible par les non-initiés. De la même manière, pourquoi ne pas confronter ces résultats aux différentes méthodes de calcul existantes. Disposant d'un tel logiciel, j'ai pensé intéressant de partager mes observations avec les membres de Cap récifal.

    L'outil utilisé est Solidworks premium de Dassault systems avec son module "simulation". Un outil puissant aux multiples fonctions, depuis la mise en forme d’objets simples jusqu'à la simulation du comportement d'ensembles en termes de résistances, de déformations, d'écoulements, d'endurance, de fonctionnement, de réalisation... la liste est longue.

    Figure 2 : Possibilités d'un logiciel de CAO
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    Conception 3D.
    7b.jpg
    Dessin.
    7c.jpg
    Modélisation, maillage.
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    Résistance.
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    Déformations..
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    Écoulements.
    Un logiciel de CAO tel que Solidworks permet de concevoir des éléments et des assemblages : simuler des sollicitations appliquées (efforts, pressions...), en mesurer les effets (contraintes internes, déformations, déplacements...), réaliser des études d'écoulements et bien d'autres analyses comme des tests de chocs, des essais d'endurance, de fiabilité etc. et de les traduire en plans de définition. A delà, il permet de concevoir les outils permettant de réaliser les éléments étudiés et de réaliser les programmes de production pour machines-outils numériques.

     

    Sans trop s'attarder, voyons comment procède ce type d'analyse en relation avec notre aquarium, et dans premier temps, rappelons-nous quelques bases de mécanique.

    2.1. Notions de résistance des matériaux

    L'étude de la résistance des matériaux (RDM) repose sur l'analyse globale d'un composant ou d'un assemblage, ou détaillée au sein même du matériau, des effets (contraintes, déformations) des différentes sollicitations extérieures (eau, gravité...), traduites en charges d'actions (forces, pressions...) ou de réaction, comme par exemple au niveau du collage d'un aquariium.

    Les principes de RDM s'adressent aux matériaux répondant à des conditions strictes. Ils s'appliquent au verre ainsi qu'à la colle silicone utilisée pour les joints, dans les limites de leur utilisation pour aquarium : pas de déplacement, faibles déformations et température constante. En effet, ces matériaux sont élastiques (pas de déformation résiduelle après relâchement des efforts), linéaires (déformations proportionnelles aux contraintes), homogènes (matériau uniforme dans sa masse) et isotropes (propriétés identiques en toutes directions).

    2.1.1. Modes de sollicitations

    Les éléments d'un aquarium sont soumis à des sollicitations élémentaires intégrées dans les logiciels de calculs.

    Figure 3 : Principales sollicitations, représentées sur un joint de colle.
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    Traction.
    19.jpg
    Compression.
    20.jpg
    Cisaillement.
    21.jpg
    Flexion.
    22.jpg
    Torsion.
    Dans un aquarium, l'élément étudié (glace, fond, traverse, joint...) peut être soumis à une ou plusieurs de ces sollicitations. Certaines sont peu fréquentes ou peuvent être négligées.

     

    2.1.2. Charges et déformations

    Figure 4 : Modes d'application des forces
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    a: Force.
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    b : Pression
    13.png
    c : Couple.

    La RDM s'appuie sur la notion de charge représentée par un vecteur et caractérisée par un point d'appui, une direction, un sens et une intensité (fig. 4a). La charge peut être une force, appliquée localement et linéaire, son intensité est exprimée en Newton (N), son ancêtre le kilogramme force (kgf) ayant été abandonné. Elle peur être répartie sur une surface, il s'agit alors d'une pression (comme la pression hydrostatique, variable selon la hauteur, exercée par l'eau sur une glace) (fig. 4b), exprimées en N/m2 le Pascal (Pa) ou son multiple le mégapascal (1 MPa = 106 Pa = 106 N/m2= 1 N/mm2). On évite de l'exprimer en bar. Elle peut être un couple (fig. 4c), formé par deux forces de direction non alignées et de sens différent, exprimé en Newton mètre (N.m). Ces charges peuvent prendre d'autres dénominations dans des circonstances particulières qui échappent à notre hobby.

    2.1.3. Statique

    Figure 5 : De l'élément à la modélisation de l'ensemble
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    a : Objet statique.
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    b : Cas d'une face d'aquarium
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    c : Décomposition de force F dans un repère x,y,z.
    17.png
    d : Maillage en éléments.

    Un objet est statique (immobile) quand l'addition des charges (forces, pressions, couples...) qu s'exercent sur lui, est nulle (fig. 5a et 5b). Cette situation permet de déduire des réactions à partir d'actions connues. Les charges exercées sur un objet peuvent être décomposées en son sein, en micro-forces appliquées sur des micro-surfaces : les contraintes (σ : lire "sigma"), exprimées également en Pascal. Quelles que soient leurs directions, elles peuvent toujours être traduites dans un référentiel (x, y, z) commun (fig. 5c), judicieusement choisi pour les exploiter. On découpe alors le corps à étudier en petits éléments selon un maillage en trois dimensions (fig. d), qui permet de déduire comment les sollicitations externes se répercutent au sein et en tout point de la matière. Il devient alors facile de déceler des zones surcontraintes, même si l'ensemble ne l'est pas. Ces contraintes locales entraînent des microdéformations (ε : lire "epsilon") exprimées en millimètres, selon des lois d'écoulement (loi de Hooke). Elles sont perceptibles sur l'objet global sous forme de macro-déformations : les flèches dans le cas de flexion, le flambage ou la compression.

    Charge -> contrainte σ -> déformation locale ε > macro déformation (flèche...)

     

    Connaissant les charges externes, on ne peut pas comprendre les déformations globales sans l'analyse des contraintes et des déformations locales.

    2.1.4. Valeurs associées aux contraintes σ : Re, Rm, σadm, S

    Selon que l'on traite du matériau, du composant ou des objectifs visés, la contrainte mécanique est exploitée sous plusieurs dénominations que l'on retrouve dans les préconisations des fabricants.

    • Résistance mécanique de rupture (Rm) :
      C'est la contrainte maximale que peut subir un matériau avant sa rupture. La détermination de Rm pour des matériaux dits "fragiles", comme le verre, tient compte de leurs particularités. La surface des verres silicatés contient de nombreuses imperfections (microfissures...) qui conduisent à une dispersion des niveaux de rupture. On leur fixe donc une valeur pratique, statistique. Ainsi, la résistance à la rupture Rm servant au calcul du verre float recuit pour les aquariums, est près de 200 fois plus faible que sa limite théorique !
    • Limite élastique (Re) :
      C 'est la contrainte maximale que peut supporter le matériau sans déformation permanente. Bien souvent, on limite l'utilisation d'un matériau à son état élastique.
      Contrainte réelle σ < Re < Rm

      La limite élastique ne s'applique qu'aux matériaux "ductiles" comme l'acier et ceux "élastiques", lesquels lorsqu'on les étire, passent par une phase élastique suivie d'une autre plastique, avant leur rupture. Le verre étant un matériau "fragile", sans phase plastique, sa rupture se produit quand il n'y a plus d'élasticité. Alors, Re = Rm.
    • Contrainte admissible (σadm) et coefficient de sécurité (S) :
      Tout dispositif est conçu pour assurer ses fonctions en toute sécurité. Cela suppose de connaitre exactement les charges et les réactions en jeu, mais ce n'est pas toujours excatement le cas. Concernant le verre float, sa fragilité a pu être entamée durant les manipulations post-fabrication et les risques encourus pour les personnes, associés à la rupture d'une vitre, sont loin d'être négligeables. Il est donc d'usage de dimensionner les structures de telle sorte que la contrainte maximale (σmax) mesurée au sein du matériau, ne dépasse pas une valeur admissible (σadm). Cette dernière étant la limite élastique du matériau divisée par un coefficient de sécurité. Le coefficient de sécurité est déterminé avec des tests et/ou d'après des analyses de défaillance, pour un usage donné et pafois imposé par des normes.

    • Contrainte réelle σ ≤ σmax ≤ σadm
      σadm = Re / S

    2.1.5. Valeur associée aux déformations ε : la flèche f

    Les déformations locales au sein du matériau se traduisent par des déformations globales du produit (comme la flèche dans le cas de flexion) en ses différents endroits.

    • Flèche admissible (fadm) :
      La notion de flèche maximale admise est souvent évoquée dans les calculs d'épaisseur d'une dalle de verre soumise à une flexion. La flèche étant directement liée à la contrainte (pour un matériau et une forme donnés), on peut se poser la question de l’intérêt de la mesurer. C'est vrai et justement, facile à mesurer, elle informe sur le niveau de sollicitation et donc, de ses effets sur les éléments environnants ou sur d'autres caractéristiques. Par exemple, dans le cas d'un aquarium, un vitrage qui se déforme impacte la réaction des autres faces assemblées et génère des distorsions dans le verre qui peuvnet gêner l'observateur de l'aquarium. Autre exemple : un plancher peut se déformer sans effet notable sur sa performance, mais une trop grande flexion peut générer des effets non souhaités sur ses encastrements et dans les murs eux-mêmes. Ainsi, il a été défini pour chaque type d'application, des flèches maximales admissibles, parfois imposées par des normes. La norme NF DTU 39-P4 définit les flèches admissibles relatives aux vitrages, le mémento de Saint Gobain Glass propose celles relatives aux verres d'aquariums.

    En résumé

    • Un objet est soumis à des solicitations (eau, vent, gravité...)
    • Les sollicitations sont traduites en charges (forces, pression, accélération, écarts de température...).
    • Un objet est statique quand toutes les charges s'équlibrent. Leur somme est égale à zéro.
    • Les charges sont décomposées dans le matériau en microforces qui s'appliquent sur des microsurfaces (les contraintes internes) et qui génèrent des déformations (flèches...).
    • La contrainte σ au sein d'un matériau, doit toujours être inférieure à la contrainte admissible σadm, elle-même étant égale à sa limite élastique Re affectée d'un coefficient de sécurité S.

     

    2.2. Comment simuler un comportement avec un logiciel de CAO 3D ?

    Les principes ci-dessus sont mis en œuvre en CAO pour simuler les comportements d'un objet (ou d'un ensemble d'objets) par Analyse par éléments finis. Elle permet de résoudre des équations complexes sur des corps de formes variées, massives, et/ou des assemblages de produits en matériaux différents, avec une approximation acceptable. Pour ce, on procéde par étapes :

    • 1 étude statique : inventorier les efforts extérieurs sollicitant la pièce, les actions (comme la pression hydraulique de l'eau et les réactions comme les forces de retenue du joint de colle ;
    • 2 modéliser le matériau : déterminer ses caractéristiques, par des tests si elles ne sont pas connues ;
    • 3 modéliser la pièce : donner une forme à la pièce, éventuellement en utilisant des formes simplifiées ;
    • 4 mailler le modèle : le maillage peut être adapté spécifiquement à des composants, des volumes, des surfaces ; de ce choix résulte la rapidité des calculs, qui peuvent devenir interminables et la cohérence des résultats.
    • 5 calculer : le logiciel calcule, selon des formules prédéfinies ou introduites, les contraintes internes, les déplacements externes, les déformations locales et bien d'autres mesures, en tous nœuds du maillage de l'objet ou de l'assemblage ;
    • 6 valider le calcul : Il est nécessaire de vérifier la cohérence des résultats, par une approche expérimentale en réalisant quelques tests ou en en exploitant les expériences antérieures. Dans l’impossibilité de comparer le comportement du modèle virtuel et le comportement du composant ou de l’assemblage dans son environnement réel, l'analyse ne conservera qu'un intérêt relatif, permettant d'évaluer globalement une situation, sans pouvoir passer à l'étape suivante ;
    • 7 valider le modèle, en comparant les contraintes avec les limites élastiques des matériaux affectées des coefficients de sécurité adaptés (ex : un coefficient de sécurité de 3 consiste à s'imposer une limite d'élasticité divisée par 3).

    Dans les analyses qui suivent, les résultats sont chiffrés et/ou représentés sous forme graphiques en zone d'égales valeurs. En l'absence de confrontation avec des tests réels, les valeurs issues des simulations (contraintes, déformations...) doivent être exploitées avec le recul nécessaire.

    Figure 6 : Modélisation 3D d'une face d'un aquarium chargé en eau, réalisée avec Solidworks.
    23.jpg
    Traction.
    24.jpg
    Compression.
    25.jpg
    Cisaillement.
    Les zones rouges localisent les valeurs (contraintes ou déformations) maximales et les bleues, les minimales. L'utilisateur peut explorer toute information à chaque nœud du maillage, ce dernier étant adapté à l'objectif et la précision souhaitée.

    Déformation d'une face d'aquarium sous la pression de l'eau.

     

    3. Paramétrage des simulations CAO pour l'analyse d'aquariums

    La démarche exposée ci-dessus a été suivie en vu de traiter les cas d'aquariums parallélépipédiques aux faces verticales.

    3.2. Modélisation des matériaux

    De cette phase essentielle découle toute l'analyse. Contrairement aux apparences, il s'agit là d'une vraie difficulté. Dans l'impossibilité de réaliser des tests grandeur nature, parmi la mine d'informations parfois trompeuses, incomplètes ou contradictoires, il faut sélectionner les bonnes valeurs, adaptées au matériau, qui ne feront pas trop s'éloigner le modèle simulé, de la réalité.

    3.2.1. Caractéristiques du verre float recuit

    Caractéristiques du verre silico-sodocalcique
    float recuit


    Masse volumique : 2458 kg/m3
    Module de Young E = ~ 70000 MPa
    Module de cisaillement G: 28000 MPa
    Coefficient de poisson ν: 0.21
    Limite élastique en traction Re: 3600 MPa
    Limite élastique en cisaillement : 2000 MPa
    Résistance à la rupture Rm : 20 à 45 MPa
    - Verre structuré bâtiment : 45 MPa
    - verre d'aquarium : 21 MPa.
    Résistance compression : 600 à 1000 MPa
    Résistance au cisaillement : 28 MPa
    Transition lumineuse : 84 à 90 %
    Indice de réfraction n par rapport à l’air : 1.5
    Coefficient de dilatation linéaire α: 9.10-6 m/(m.K)
    1MPa = 1 N/mm2

    Si on trouve facilement les caractéristiques physicochimiques du verre en général, il faut savoir que des différences importantes subsistent entre les verres, liées à leur mode d'obtention tout autant qu'à leur composition.
    Le verre silico-sodocalcique flotté est le siège de défauts propres à son processus de fabrication : la surface des verres silicatés contient de nombreuses imperfections liées au flottement sur bain d'étain. On y trouve des microfissures superficielles, des microporosités et des microcristallisations qui fragilisent le matériau. Le verre float est déjà fissuré superficiellement dès sa fabrication. Qu'on se rassure, certains défauts presque invisibles sont détectés par contrôle destructif sous haute température. Les défauts résiduels conduisent à une dispersion statistique des niveaux de contraintes à la rupture. Aussi, en pratique, la limite élastique admise pour chaque type de verre float (par exemple 20 MPa pour le verre float recuit), est bien inférieure à la limite élastique théorique adoptée dans le cas du verre filé (fibre de verre).
    D'autres facteurs influent sur les caractéristiques. Sa surface est pourvue de sites réactifs oxygène O ou hydrogène H qui affectent sa mouillabilité (difficulté à nettoyer) ou son adhésion (les sites siloxanes ou silanols Si-OH modifient l'énergie de surface et réagissent avec les colles silicones). Les cations alcalins (sodium NA+) génèrent des phénomènes de diffusion, relativement rapide, de molécules d'eau au sein même du verre pour en modifier les caractéristiques optiques ou mécaniques. Ils entretiennent une hydrolyse qui propage de manière importante les fissures et cela, d'autant plus que l'environnement est basique, comme l'est l'eau de mer.

    De ce fait, on ne peut pas parler de caractéristiques du verre mais de différents verres. Il est donc essentiel de sélectionner les caractéristiques spécifiques au verre utilisé ainsi que les coefficients de sécurité appropriés.

    La résistance du verre, utilisée dans les calculs, est très disparate selon les sources, de même que les coefficients de sécurité choisis. Il est donc très difficile de s'y retrouver. Heureusement, la récente série de normes prEN 13474 associée aux Eurocodes, définit maintenant presque totalement les paramètres à utiliser selon les situations. La norme prEN 13474-3 définit officiellement la résistance à la flexion du verre (45 N/mm2 pour le verre recuit, 70 N/mm2 pour verre durci et 120 N/mm2 pour le verre trempé). Ces valeurs sont ensuite assorties de coefficients partiels : coefficient relatif aux matériaux, coefficient de durabilité qui prend en compte la diminution de la résistance du verre avec la durée d'application de la charge (de quelques minutes à des décennies), d'autres coefficients relatifs à la surface, les traitements thermiques ou le feuilletage et selon la criticité de la situation. Ces coefficients permettent d'adapter le niveau de sécurité à la situation réelle, de façon raisonnée. Il n'est plus question de coefficient de sécurité global, pénalisant. Nous en reparlerons plus loin.

    3.2.3. Caractéristiques de la colle silicone

    Caractéristiques de la colle silicone acétoxy pour aquarium

    Dureté Shore A : ~ 25 à 30
    Masse volumique : ~ 1030 kg/m3
    Module de Young E : ~ 0.50 MPa
    Module de cisaillement G = E/3 ~ 0.17 MPa
    Coefficient de Poisson : 0.49
    Limite d'élasticité Re ~ 0.50 MPa (Module 100%)
    Déformation maximale compression ~ 20 %
    Déformation maximale en extension ~ 100 %
    Résistance à la traction Rm ~ 2.0 MPa
    Allongement à la rupture : > 500 %
    Résistance au décollement sur verre :
    - en traction : > 2 MPa
    - au cisaillement : ~ 0.8 MPa, 100% rupture cohésive
    - au pelage : ~ 57 N/cm
    Résistance au déchirement (ISO 34-1 / C) : ~ 5 N/mm
    Résistance aux UV, brouillard salin, ozone : excellente
    Résistance aux températures : - 50°C à +180°C
    Résistance aux micro-organismes : Bonne
    1MPa = 1 N/mm2

    On confie à la colle de liaison, deux missions et non des moindres : l'étanchéité et la solidité de la structure. Le collage permet de transférer les efforts de manière beaucoup plus continue qu'une fixation mécanique et sur une surface plus grande réduisant ainsi les risques de concentration de contrainte dans les vitrages.

    Composant essentiel de la structure, on ne peut sélectionner n'importe quelle colle à base de silicone. Son élasticité doit être suffisante pour permettre d'accuser les déformations du verre mais pas trop, pour ne pas amplifier les déformations de la cuve. Sa résistance mécanique doit permettre de résister aux contraintes locales générées par la pression hydrostatique, par le poids du verre et par la déformation du verre et pourquoi-pas, contribuer à l'amélioration du comportement du verre. Enfin, son adhérence et sa cohésion doivent rester intactes face à toutes les sollicitations, qu'elles soient induites par l'utilisation de l'aquarium lui-même ou malencontreuses, provoquées par des évènements extérieurs comme un coup de cutter, le nettoyage des vitres, l'exposition à l'éclairage ou l'agression biologique.

    L'Organisation pour l'Agrément Technique Européen (EOTA) a défini un Guide d'Agrément Technique Européen pour les colles silicones. L'ETAG 002 - Agrément Technique Européen pour les systèmes de vitrages extérieurs collés (VEC), définit les modules d'élasticité et de cisaillement à prendre en compte ainsi que les méthodes de mesures appropriées. Dans le domaine du collage manuel les coefficients de sécurité imposés sont importants. Il est de 6 pour la contrainte de traction admissible.

    Indépendamment des rares données des fabricants de colles à froid (CAF) silicone (Silirub AQ, Soudal aquarium, Aquafix, Parasilico aquarium, Ottoseal S28 Dow Corning  881... cette dernière n'est pas recommandée pour aquarium), il est très difficile d'obtenir des caractéristiques exploitables permettant de modéliser le matériau. Celles données ci-contre, sont issues de plusieurs sources et doivent être considérées comme indicatives. Elles s'appliquent à des colles à froid (CAF) polysiloxanes à réticulation acétique (acétoxy) de dureté environ 25 Shore A.

    3.3. Modélisation de l’assemblage verre / colle

    3.3.1. Élaboration d'un modèle de cuve aux dimensions variables

    68.jpg
    Modèle étudié avec dimensions variables.

    Conscient qu'un aquarium ne se résume pas à quatre vitres "soudées" les unes aux autres et que le joint collé, aux caractéristiques si particulières, contribue probablement de manière non négligeable à son comportement général, il a paru important de simuler un ensemble verre plus colle, chacun avec ses caractéristiques et ses réactions propres.
    Partant aussi du principe que les quatre faces, similaires, se comportent de la même manière et afin de simplifier les calculs, le modèle analysé a été réduit à une face en verre de dimensions variables : longueur, largeur et épaisseur. Cette face est associée sur 3 ou 4 côtés, à une bande de colle silicone de dimensions également variables : une largeur égale à l'épaisseur du verre et une épaisseur. Les surfaces de colle opposées au verre, sont alors supposées fixes.

    3.3.2. Définition de "modèles" pour l'analyse

    Il n'était pas question de simuler toutes les configuration possibles de cuves, aux dimensions variables, percées ou non, renforcées ou pas etc. J'ai donc défini plusieurs modèles de cuves sans renfort, de 60 à 2700 litres, représentatifs de ce que l'on peut trouver en aquariophilie récifale. Ils permettent de limiter les simulations et de comparer les résultats avec d'autres sources ou d'autres configurations (perçages, renforts). Le tableau 2 ci-après résume les caractéristiques de ces modèles, certains étant utilisés plus loin dans les analyses. Notons que ces choix sont définis uniquement pour les besoins de l'étude. Ces valeurs ne doivent pas être utilisées en l'état, pour n'importe quelle installation.

    Tableau 2 : Modèles de cuves utilisés lors des différentes analyses
    Cuve Joint
    Modèle Volume Long. Largeur Haut. Épais.
    4 appuis
    Épais.
    3 appuis
    Ép.
    mm
    M60 60 l 0.5 m 0.4 m 0.3 m 4 mm 4 mm 1
    M120 120 l 0.6 m 0.5 m 0.4 m 5 mm 6 mm 1
    M300 300 l 1.0 m 0.6 m 0.5 m 8 mm 10 mm 1
    M600 600 l 1.5 m 0.7 m 0.6 m 12 mm 15 mm 2
    M1100 1100 l 2.0 m 0.8 m 0.7 m 15 mm 25 mm 2
    M1800 1800 l 2.5 m 0.9 m 0.8 m 19 mm - 3
    M2700 2700 l 3.0 m 1.0 m 0.9 m 25 mm - 3

    3.4. Paramétrage des calculs de simulation

    Les sollicitations externes se réduisent à :

    • une poussée hydrostatique variant avec la hauteur d'eau ;
    • le poids propre du verre.

    Cette étape vite résolue, la vraie difficulté a été de paramétrer correctement les modes de fixation, les degrés de libertés, les types de liaisons ainsi que la finesse du maillage et son mode de calcul, imposés par les caractéristiques fondamentalement différentes des deux matériaux : le verre et l'élastomère silicone.

    3.5. Validation des calculs de simulation

    Un laboratoire de recherche aurait pu valider ses calculs de contraintes en les mesurant au moyen de capteurs collés à la surface du verre, ce que je n'ai pas fait, bien entendu. Je m'en suis tenu à la comparaison des flèches calculées et mesurées sur deux cuves de 85 et 600 litres sans renfort. Les mesures des flèches n'ont pas été aisées. Il a fallu dévier un pied à coulisse de sa configuration initiale pour mesurer des largeurs de 40 à 80 cm. Il était, par ailleurs, impossible de comparer les largeurs des extrémités avec celle du centre de la cuve, le verre étant déjà bombé à vide. Après un bon mois de tâtonnements, l'écart obtenu entre les flèches mesurées et simulées oscillaient autour de 0.1 mm, soit un écart d'environ 5 %, de l'ordre des erreurs de mesures et négligeable pour l'objectif recherché. Les simulations pouvaient commencer.

    4. Cahier des charges pour cuve d'aquarium en verre collé

    L'outil de calcul étant opérationnel et fiable, il eût été dommage de s'en tenir à une simple analyse sans pouvoir statuer si l'aquarium est ou non opérationnel. Pour ce, dans un premier temps, il est nécessaire d'inventorier les caractéristiques essentielles et dans un second temps, de définir autant que possible, les limites de leur acceptation. Tout cela contribuant finalement à établir ce que pourrait devenir un cahier des charges pour aquarium, une base bien entendu perfectible, pour d'éventuelles applications.

    4.1. Inventaire des actions (sollicitations)

    Le tableau 3 ci-dessous inventorie les sollicitations sur la durée de vie, les incidents potentiels pouvant impacter les fonctions. Dans les études qui suivront je me limiterai à quelques aspects mécaniques essentiels.

    4.2. États limites et coefficients de sécurité

    Un aquarium, au sens de la conception ne peut être considéré comme un simple assemblage de vitres, comme par exemple un terrarium délimitant l'univers de phasmes. L'aquarium collé doit assurer sa propre tenue, face à des sollicitations non négligeables, d'autant plus que les risques associés à ses dimensions ou son exploitation, sont importants. Il doit (devrait) donc être considéré comme une véritable structure, au même titre que les poutrelles d'un pont et répondre à des critères stricts.

    L'analyse d'une structure verre/colle nécessite donc de s'imposer au préalable, des limites admissibles pour les contraintes σ et pour les déformations exprimées par la flèche f, à ne pas dépasser : σmax ≤ σadm et fmax ≤ fadm. Jusqu'à récemment, la contrainte admise était déterminée à partir d'un seul coefficient de sécurité (CS) global. Concernant le verre, le CS était alors déterminé par convention. Les raisons de son choix sont restées une énigme pour beaucoup et d'autant plus que la nature fragile du verre rendait difficile la détermination de sa résistance mécanique. Ainsi c'est essentiellement l'expérience qui avait permis de fixer pour les aquariums un coefficient de sécurité global d'environ 3.5, pour atteindre un objectif de contrainte admissible (σadm) d'environ 6 MPa, à partir d'une valeur de résistance mécanique (Rm) d'environ 21 MPa. Cette dernière résultant d'un consensus chez les verriers. Tout cela conservait une part d'empirisme rarement contesté.

    La situation a été clarifiée en collaboration avec les professionnels européens et l'appui de laboratoires d'essais. Les prénormes PrEN 13474, associées aux Eurocodes, fixent maintenant toutes les bases de calculs : la résistance mécanique du verre (voir les caractéristiques ci-dessus) et, selon des niveaux de risques et des probabilités d'apparition, les critères et les coefficients permettant de déterminer les contraintes admissibles σadm (prEN 13474-3) , les flèches et les coefficients de sécurité (prEN 13474-1) adaptés à chaque situation ou un cumul de situations : matériau, finition, forme, durée d'application (permanence des charges), durée de vie... Bref, les calculs n'utilisent plus un unique coefficient de sécurité, mais plusieurs coefficients partiels, qui varient selon des situations dites "états limites".

    Les états limites constituent les situations extrêmes permettant de définir les valeurs maximales acceptables en fonction de coefficients de sécurité (nommés facteurs au sein desdites normes), pour que le produit reste opérationnel durant sa période d'utilisation et les évènements de sa vie. On considère :

    • Les états-limites de service (ELS) :
      Ils intègrent les situations (les différentes charges comme la pression de l'eau, le poids propre du verre...), rencontrées dans une utilisation normale et qui pourraient avoir des conséquences sur l'usage-même (le service rendu) de l'aquarium. A ce stade ce n'est pas la résistance (qui n'est pas critique puisque prise en compte plus loin) qui définit le mieux la limite mais plutôt la déformation représentée par la flèche maximum. Dans l'exemple de l'aquarium, une déformation trop importante génère des défauts visuels et peut avoir des effets néfastes sur les autres composants de l'aquarium.
    • Les états-limites ultimes (ELU) :
      Temporaires ou permanents, ils intègrent les situations critiques, pouvant être rencontrées dans une configuration anormale, qui pourraient mettre en jeu la sécurité des personnes, des animaux hébergés ou la destruction (la ruine) de la structure considérée. Il s'agit de concevoir un aquarium avec des coefficients de sécurité empêchant tout risque de défaillance durant la durée de vie. Ici, concernant la résistance même de la structure, on utilise la contrainte admissible (σadm). Pour un aquarium, il faut simuler un état ou s'accumuleraient des situations extrêmes mais tout à fait possibles en usage normal, comme une cuve pleine débordant, ou bien de simuler des situations d'accidents qui ne se produiront, il faut l'espérer, jamais. On peut par exemple, anticiper la situation d'une vitre en appui sur 4 côtés dont un renfort (raidisseur ou traverse) viendrait à se rompre ou se décoller et ainsi éviter la casse immédiate du verre. Cette notion n'est malheureusement pas abordée dans les préconisations de calculs d'aquariums actuellement proposées par les verriers mais elle est incluse dans le calculateur de verre proposé par Cap récifal que j'évoquerai plus loin. La probabilité d'atteinte d'un ELU est de 0,0001 à 0,1 %.

    Finalement, le choix (comme l'épaisseur d'un verre) sera tantôt limité par l'ELS, parfois par un ELU permanent ou par un ELU temporaire. Il est donc nécessaire d'étudier tous les états limites. Bien sûr, chaque état est affecté de conditions (coefficients de sécurité, de majoration de charge, de facteurs de pondération...) en général fixées par les normes d'usage pour l'application. Les critères utilisés pour les verres d'aquarium s'inspirent fortement des normes, très élaborées, traitant des vitrages structuraux pour le bâtiment (façades d’immeubles, marches, plancher ou balcons en verre). Quelques grands spécialistes du verre comme Saint Gobain Glass ou le Centre Scientifique et Technique de la Construction (Bruxelles), se sont penchés sur le cas particulier des aquariums et des bassins. Il est fort probable que leurs recommandations évolueront encore pour mieux s'adapter, mais elles sont déjà assez bien définies et surtout communément admises pour les choisir comme références.

    4.3. Cahier des charges

    72.png
    Définition de L pour le calcul de la flèche.

    L'inventaire des actions, des charges, de tests et de leurs limites admissibles, issues principalement des normes et Eurocodes ci-dessus ou de recommandations, constituent ce qui peut devenir un cahier des charges mécanique pour la conception d'un aquarium. Celui-ci suppose une utilisation normale de l'aquarium et un comportement raisonnable des usagers, c'est à dire sans coup de marteau, ni appui excessif sur les traverses, ni entaille dans les joints. Les tests sont choisis parmi des tests normalisés les plus représentatifs, les valeurs limites, quand elles sont mentionnées, sont évaluées par rapport à un ensemble de sources telles que des préconisations, des calculs ou même l'expérience pratique.
    La durée de vie de l'aquarium est celle donnée pour la colle silicone soit 40 ans. La valeur L (illustration ci-contre) "L = min (2a, b)" signifie que L est la plus petite valeur entre "2 x a" et "b". b étant la hauteur d'eau entre appuis (1) ou cuve pleine (2).

    Ce cahier des charges ne prend pas en compte les risques dus aux vibrations (sonores, transmises par le sol...), aux intempéries, au feu ou sismiques. De la même manière, il ne considère pas les sollicitations en compression, au cisaillement. En effet, le mode d'assemblage "dans les règles de l'art" limite les cas de cisaillement et sa bonne résistance a la compression n'est pas un frein à son dimensionnement.

    Tableau 3 : Exemple de cahier des charges pour un aquarium en verre collé totalement supporté
    Éléments Fonction, actions
    Charges, conditions Spécifications
    Etat limite de service (ELS)
    Etat limite ultime (ELU)
    Faces verticales Retenir l'eau
    Action permanente, cuve pleine
    Pression eau (Pe = 1,2b.10-4 (N/m2) Hauteur sable : négligé si < b/6
    Appui roche : négligé si poreuse
    ELS sur 40 ans
    Test flexion : σmax = 7.45 MPa

    Retenir l'eau
    Action accidentelle (renfort décollé, cuve pleine, 24 h pour d'intervention).

    Pression eau (Pe = 1b.10-4 (N/m2) ELU sur 24 h
    Test flexion sur 3 appuis. σmax = 13,5 MPa
    Confort optique de l'observateur
    Faible déformation en flexion, entre points d'appuis (avec ou sans renforts), remplissage normal.
    Pression eau (Pe = 1b.10-4 (N/m2)
    Hauteur sable : négligé si < b/6
    Appui roche : négligé si poreuse
    ELS sur 40 ans
    Test flexion :
    fmax ≤ L/300 mm et fmax ≤ 5 mm
    Résister aux chocs
    accidentels, sur la vitre
    Enfants qui tapent sur la vitre... ELU. Test de choc corps mou, à déterminer
    Ne pas blesser les utilisateurs Finition des arrêtes Spécif. arêtes abattues, chanfreins
    Esthétique de la cuve Finition des champs
    Alignement vitrages
    Type champs : bruts, polis
    Tolérances dimensionnelles
    Fond Retenir l'eau
    En cas de déformations légères du support (durée de vie)
    Résistance à la flexion sur défauts de planéité de 2 mm sur la longueur du vitrage. Pris en compte dans la nature du verre.
    Résister aux chocs occasionnel
    (chute de PV, pompe, lâchée dans l'eau...)
    - Privé : à déterminer
    - Public : à déterminer (sécurité)
    ELU. Test de choc à déterminer :
    Test de choc de corps dur, test de choc corps mou.
    Traverses Retenir les faces
    Cuve pleine en cas de débordement
    Résist. rupture du verre en traction ELS sur 40 ans
    Résist. décollement des joints en traction ELS sur 40 ans
    Résister à un appui temporaire
    Masse additionnelle occasionnelle (appui, chute de rampe).
    Charge ponctuelle 100 N/m ELU < 1 h
    Test flexion : σmax = 10 MPa
    Résister à un choc dur
    Ponctuel occasionnel (outil).
    - Privé : chute d'une masse
    - Public : à fixer (sécurité)
    ELU.Test de choc à déterminer :
    Test de choc de corps dur, test de choc corps mou.
    Résister à une surchauffe
    occasionnelle (ampoule HQI proche)
    Température de 50°C (HQI 400 W à 5 cm de la traverse) à 80°C ELU < 24 h
    - Résistance thermique 80°C
    Raidisseur Retenir les faces
    Cuve pleine en cas de débordement
    - Résistance à la flexion
    - Flèche max
    ELS sur 40 ans
    - fmax ≤ L/500 mm et ≤ 5 mm
    Résist. décollement des joints en traction ELS sur 40 ans
    Joints
    Retenir les faces
    Selon le cas pression hydrostatique et poids propre
    Résist. décollement en traction et/ou cisaillement
    ELS sur 40 ans
    Innocuité pour les animaux. Composants extraits dans l'eau à doses non létale. Engagement fabricant et/ou homologations.

    Attention, un tel cahier des charges est une base de réflexion destinée à mieux appréhender les analyses qui vont suivre. Il pourrait s'avérer incomplet pour un usage professionnel grand public. Nul doute que votre fabricant local ne s'engagera pas sur un tel cdc, dans l'état actuel des relations client amateur / fournisseur.

    Le cadre des simulations étant exposé, venons-en aux simulations elles-mêmes.

    5. Analyses par simulations CAO des éléments d'un aquarium

    5.1. Joint de colle

    Composant essentiel, il n'est pas inutile de comprendre son comportement dans un aquarium. Son utilisation en faibles épaisseurs, permet de l'étudier sans rentrer dans les considérations complexes d'hyperélasticité auxquelles sont souvent confrontés les élastomères. En général, les calculs de résistance du joint s'en tiennent à une valeur de contrainte moyenne, ratio entre la poussée générale hydrostatique et la surface totale d'adhésion. Cette méthode ignore les tensions locales qui s’avèrent non négligeables, il a paru intéressant de vérifier ou se situent les points d'extrêmes contraintes de manière à les éviter. Cette analyse était d'ailleurs nécessaire pour déterminer les modèles de cuves ci-dessus, avec une épaisseur de joint adaptée.

    5.1.1. Quelle épaisseur de joint ?

    Le joint de la face doit retenir la poussée hydrostatique, cette action exerce une traction sur le joint. Le joint doit aussi retenir la masse de la vitre qui exerce un cisaillement sur le joint. Ces sollicitations sont irrégulières, du fait de la poussée hydrostatique qui augmente avec la profondeur d'eau et du fait des tensions induites par la flexion de la vitre qui peut exercer, au niveau du joint des tensions supplémentaires ou au contraire des compressions.

    La figure 7 montre l'impact de l'épaisseur du joint en silicone (de 0.1 à 4.0 mm) sur les contraintes internes dans le verre et sur la flèche d'une vitre verticale. Les simulations portent sur des cuves sans renfort remplies d'eau ; les modèles M600 : L1000 x H500 ép 8 mm et M1100 : L2000 x H700 ép 19 mm. On observe que pour ces deux modèles de cuves, les contraintes maxima internes sont particulièrement importantes avec un joint très fin, inférieur à 0.5 mm. Elles dépassent alors localement la limite de rupture du verre. On constate aussi que ces contraintes, ainsi que les flèches maxima se stabilisent rapidement à un niveau acceptable pour le verre, dès lors que l'épaisseur du joint dépasse 0.5 mm.

    Figure 7 : Impact du joint sur la résistance des vitres
    66a.png
    Une épaisseur inférieure à 0.5 mm génère dans les deux modèles de cuve, des contraintes σ et des flèches f excessives sur le verre.

    On remarquera (fig. 8 ) sur le modèle de cuve M1100, que l'épaisseur du joint influe également notablement sur la répartition des contraintes dans le verre. Cette observation est identique pour tous les modèles de cuves, volumineux ou pas. En présence d'un joint de très faible épaisseur (fig. 8a), les contraintes maxima se concentrent le long du joint. Cette situation est regrettable puisque la résistance intrinsèque du silicone est bien inférieure à celle du verre et elle est d'autant plus risquée que le joint est alors particulièrement sollicité au décollement, l'une des caractéristique critique de l'assemblage. On relève alors des contraintes de l'ordre de 8 Mpa, bien au-delà de la limite de rupture du silicone. Ce cas est bien sûr extrême, il explique pourquoi nombre de décollements ont lieu dans cette zone, lorsque le collage n'est pas parfait. La situation s'améliore très rapidement et se stabilise, dès lors que le joint atteint une épaisseur d'environ 1 mm (fig. 8b). Les contraintes maxima (en rouge) sont alors mieux réparties au sein du verre et le joint est bien moins sollicité (zones bleues). Les contraintes de traction dans le joint atteignent, à ce stade, un niveau acceptable localement.

    Figure 8 : Répartition des contraintes en présence d'un joint silicone sur une face de cuve modèle M1100 de 1100 litres
    67a.jpg
    a : En présence d'un joint de faible épaisseur (
    67b.jpg
    b : En présence d'un joint plus épais (1 mm), les contraintes maxima (en rouge) se répartissent sur le verre. Le joint est moins sollicité.

     

    Ces observations ne confirment pas les usages ou recommandations qui consistent à augmenter l'épaisseur avec les dimensions. Finalement, ce sont plutôt des raisons pratiques (calage, injection de la colle, marge d'erreur...) qui justifieront le choix d'une épaisseur de joint plus importante, de 2 à 3 mm.

    5.1.2. Le cordon triangulaire à l'intérieur de la cuve est il indispensable ?

    67c.jpg
    Modélisation d'un cordon de colle triangulaire.

    Cette analyse vise à observer les effets mécaniques, sur le joint lui-même et dans le verre, d'un cordon de colle triangulaire, ajouté à l'intérieur de la cuve, comme illustré ci-contre (la vitre étant collée sur la face verte). La largeur du cordon à l'intérieur de la cuve varie de 0 à 15 mm. Les vitrages des modèles de cuve choisis M120, M600 et M1100 sont appuyés sur 3 côtés, ce qui représente une situation extrême. Les épaisseurs du verre et du joint sont adaptées selon les modèles (voir le tableau plus haut).

    On constate (fig. 9) que ce cordon n'a aucune incidence sur le verre (traits pleins), en effet on n'observe pas d'évolution de ses contraintes internes maximales.

    Figure 9 : Effet d'un cordon de joint triangulaire
    67d.png
    Un cordon triangulaire n'a pas d'influence sur les contraintes exercées sur le verre (traits pleins) ; jusqu'à 5 mm, il réduit celles exercées dans le joint de colle (tirets) pour augmenter ensuite.

     

    Concernant le joint, dans tous les cas de figure, un calcul traditionnel aboutit à une contrainte d'adhésion moyenne inférieure aux 0.17 MPa recommandés. Toute augmentation de la surface d'adhésion améliore, théoriquement, la situation.
    Ce n'est pas exactement ce que révèlent les courbes (tirets). L'évolution des contraintes internes est représentée en pourcentage par rapport au joint sans cordon. Dans un premier temps, jusqu'à une largeur de 5 mm, ces contraintes diminuent plutôt ou restent stables. A ce stade, les forces résultant de la pression hydrostatique se répartissant sur une plus grande surface de colle. Par contre, dans un second temps, les contraintes internes augmentent. La colle est à ce moment, plus exposée aux tensions générées par les déformations locales de la vitre. La relative différence de comportement entre la cuve modèle M120 (tiret rouge) et les deux autres modèles M600 (tiret bleu) et M1100 (tiret vert), s'explique par la réaction prépondérante du cordon proportionnellement plus épais, sur une plus faible épaisseur de verre.
    Toute situation entrainant une augmentation des contraintes d'adhésion à l'interface colle/verre étant néfaste, il est inutile de réaliser des cordons trop importants. La décision de les dimensionner au-delà de 5 millimètres peut se justifier pour des raisons esthétiques, pour une meilleure protection du joint lors du nettoyage des vitres ou pour retarder la dégradation par les organismes hébergés, comme on a pu le constater avec certains vers polychètes.

    En résumé, concernant le joint :

    • Une faible épaisseur accroît le risque de fuite.
    • Un collage défectueux faillira de préférence en bas de la face.
    • Il suffit d'un joint d'épaisseur > 1 mm pour garantir la résistance mécanique.
    • Une épaisseur de joint plus importante s'impose seulement pour impératifs de réalisation.
    • Un léger cordon de colle, triangulaire, d'environ 5 mm peut améliorer l'adhésion des zones les plus contraintes.
    • Un cordon de colle, triangulaire, supérieur à 5 mm contribue seulement à protéger le joint.

     

    5.2. Épaisseur de la face verticale d'un aquarium

    5.2.1. Comment se répartissent les contraintes internes dans le verre ?

    Les contraintes internes permettent de vérifier la résistance d'un élément dans une situation donnée. La première condition de résistance à vérifier est que la contrainte maximale calculée ne dépasse pas la résistance mécanique Rm affectée d'un coefficient de sécurité.

    La figure 10 représente les répartitions des contraintes au sein de glaces avant d'aquariums de petit volume M120 (120 litres) et grand volume M1100 (1100 litres), en appui sur 3 et 4 côtés. Il s'agit d'aquariums modèles, remplis d'eau, représentatifs de cas pratiques. Ils sont soumis à un niveau de contrainte maximum similaire, proche de 6 MPa, les épaisseurs varient donc, dans chaque cas.
    Les simulations prennent en compte les caractéristiques des deux matériaux (verre et colle silicone). Les déformations du verre sont dépendantes de celles de la colle. Les degrés de libertés sont donc importants et varient à chaque point de contact, ce qui place le modèle plus proche de la réalité que ne le font les calculs traditionnels, basés sur des cas simplifiés d'appuis (appuis fixes sur des faces ou pivotants sur des arrêtes).

    Figure 10 : Répartition des contraintes dans des faces de cuves en appui sur 3 et 4 côtés.
    3c-c-120l.jpg
    a : Contraintes dans la face d'une cuve modèle M120, en appui sur 3 côtés.
    3c-c-1100l.jpg
    b : Contraintes dans la face d'une cuve modèle M1100, en appui sur 3 côtés
    4c-c-120l.jpg
    c : Contraintes dans la face d'une cuve modèle M120, en appui sur 4 côtés
    3c-c-1100l.jpg
    b : Contraintes dans la face d'une cuve modèle M1100, en appui sur 3 côtés

     

    Les cas d'appui sur 4 côtés (fig. 10c et 10d) confirment ec que l'on savait déjà : la présence d'un renfort allège les contraintes dans la glace puisqu'il permet d'obtenir un même niveau de contraintes avec une épaisseur moindre, mais le second effet bénéfique est de soulager également et notablement les joints, surtout ceux verticaux. Les représentations mettent en évidence, en rouge, les zones les plus sujettes au décollement. On observe dans la figure 10b, que la zone rouge atteint les bords latéraux alors qu'elle sen écarte dans la figure 10d. On pourra remarquer dans ces exemples pratiques, que la glace de hauteur 400 mm (M120 litres) est plus contrainte en son centre supérieur que celle de hauteur 700 mm (M1100 litres). Contrairement aux idées reçues, la hauteur de la glace ne justifie pas à elle seule le choix de son épaisseur, il faut prendre en compte également la longueur entre appuis. Enfin, on notera que, dans le cas de grandes longueurs, le renfort placé en position haute (fig. 10b) n'est pas dans la zone la plus sollicitée, ce qui laisse quelques espoirs de pouvoir intervenir en cas de décollement, lorsque la situation passe du cas 10d à 10b. Le dimensionnement d'une glace et surtout, le choix de son épaisseur, pourra être effectué selon deux conditions : un état limite de service (ELS) avec un fort coefficient de sécurité (par exemple 3.5) pour répondre à une sollicitation d'usage à long terme avec un renfort (fig. 10d) et un état limite ultime (ELU) sans renfort (fig. 10b), avec un coefficient de sécurité moindre (par exemple 2), représentant une situation de courte durée, critique, avec un risque pour les personnes ou les animaux.

    5.2.2. Comment le verre se déforme-t-il ?

    Comme on peut le voir dans la figure 10, les faces verticales d'un aquarium soumis à une pression d'eau variable sont similaires quelle que soient les dimensions. La flèche est maximale au milieu du bord supérieur de la face lorsqu’elle est en appui sur 3 côtés et elle se situe à environ 40% de la hauteur de la face en appui sur ses 4 côtés.

    Figure 11 : Répartition des déformations dans des faces de cuves en appui sur 3 et 4 côtés.
    3c-f-120l.jpg
    a : Déformations de la face d'une cuve modèle M120, en appui sur 3 côtés.
    3c-f-1100l.jpg
    b : Déformations de la face d'une cuve modèle M1100, en appui sur 3 côtés
    4c-f-120l.jpg
    c : Déformations de la face d'une cuve modèle M120, en appui sur 4 côtés
    4c-f-1100l.jpg
    d : Déformations de la face d'une cuve modèle M1100, en appui sur 4 côtés

    En résumé, concernant les faces verticales :

    • La présence d'un renfort allège les contraintes dans la glace.
    • La présence d'un renfort soulage notablement les joints..
    • La hauteur de la glace et la longueur entre appuis conditionnent le choix de son épaisseur.
    • Dans le cas de grandes longueurs, le renfort supérieur n'est pas dans la zone la plus sollicitée.
    • La flèche est maximale au milieu du bord supérieur si la face est en appui sur 3 côtés ; elle est à 40% de la hauteur d'une face en appui sur 4 côtés.

     

    5.2.3. Quelles épaisseurs de vitrages selon une simulation CAO ?

    Le dimensionnement des verres de l'aquarium consiste à définir une épaisseur en fonction d'une longueur et largeur prédéterminées. Les épaisseurs industrielles disponibles en verre float sont : 2, 3, 4, 5, 6, 8, 10, 12, 15, 19 et 25 mm chez certains fabricants.

    Forts des informations ci-dessus, le programme de simulation a été utilisé pour déterminer les épaisseurs nécessaires aux cuves types, en 3 et 4 appuis. Les épaisseurs ont été calculées pour respecter les conditions aux limites précisées au cahier des charges tableau 3. L'épaisseur finale retenue est la plus forte, celle répondant à toutes les conditions du cahier des charges.

    Tableau 4 : Simulation d'une face sur 4 appuis - épaisseur de verre
    Cahier des charges
    Face en appui sur 4 côtés
    Modèle de cuve type
    M60 M120 M300 M600 M1100 M180 M2700
    ELU Contrainte 40 ans<= 7.45 MPa 4 mm 5 mm 8 mm 10 mm 12 mm 15 mm 19 mm
    ELU en 3 appui sur 24 h C <= 12,7 MPa 3 mm 5 mm 8 mm 12 mm 15 mm 19 mm 25 mm
    ELS Flèche max 40 ans 3 mm 4 mm 6 mm 8 mm 10 mm 12 mm 15 mm
    Épaisseur retenue 4 mm 5 mm 8 mm 12 mm 15 mm 19 mm 25 mm

     

    Cahier des charges
    Face en appui sur 3 côtés
    Modèle de cuve type
    M60 M120 M300 M600 M1100 M180 M2700
    Tableau 5 : Simulation d'une face sur 3 appuis - Épaisseur de verre
    ELU Contrainte 40 ans<= 7.45 MPa 4 mm 6 mm 10 mm 15 mm 25 mm 30 mm 35 mm
    ELS Flèche max 40 ans 4 mm 5 mm 8 mm 12 mm 19 mm 25 mm 30 mm
    Épaisseur retenue 4 mm 6 mm 10 mm 15 mm 25 mm - -

     

    Ces épaisseurs étant obtenus par simulation CAO, il était intéressant de les comparer aux préconisations du hobby aquariophile.

    5.2.4. Quelles préconisations pour l'épaisseur des vitrages ?

    5.2.4.1. Préconisations usuelles

    Aujourd'hui, le concepteur de l'aquarium dispose de diverses préconisations dont certaines sont empiriques, basées uniquement sur la hauteur d'eau. D'autres se basent sur des méthodes de calculs dans lesquelles les sollicitations des vitrages sont plus ou moins simplifiées en modèles. Très peu élargissent leurs propositions à différents types de verre ou d'appuis. Certaines ne disent rien sur les principes retenus pour leur élaboration, d'autres sont clairement expliquées et parfois reprises dans des normes internationales ou des standards de métiers mais bien souvent limitées à certaines dimensions. Le tableau 6 en présente un inventaire non exhaustif.

    Tableau 6 : Préconisations d'épaisseurs.
    Règle Commentaire Contenu
    A Règle sans information sur la nature des appuis ni le niveau de risque. 69a.png
    B Méthode présentée dans la Revue française des cichlidophiles. Se référer à l'article natif pour plus de précisions. 69b.png
    C Règle sans information sur la nature des appuis ni le niveau de risque. 69c.jpg
    D Exemple sans information sur la nature des appuis ni le niveau de risque. 69d.jpg
    E Tableau déterminant l'épaisseur en fonction de la longueur et de la hauteur, sans préciser le contexte d'application. 69e.jpg
    F Abaque déterminant de manière assez imprécise l'épaisseur en fonction de la longueur et de la hauteur, sans préciser le contexte d'application. 69f.jpg
    G L'article Le verre et la pression de l'eau du magazine 1994du CSTC (Belgique) présente de façon claire les principes liés à l'aquarium et propose des abaques pour le dimensionnement de vitres verticales en appuis sur 3 et 4 côtés et pour la plaque de fond.
    Note : cet article a été annulé et remplacé par la NIT 242
    69n1.jpg 69n2.jpg 69n3.jpg
    H Abaques pour vitres latérale en appui sur 4 côtés, sur 3 côtés et pour le fond. Coefficient de sécurité 3. 69g1.jpg 69g2.jpg69g3.jpg
    I Abaques Saint Gobain Glass. Largement utilisées pour vitres verticales en appui sur 4 côtés avec CS = 3. 69h.jpg
    J Recommandations (GlasHanbuch 2013 page 290) de la société Flachglas MarkenKreis GMB pour le choix de l'épaisseur du verre float d'une face verticale en appui sur quatre côtés. Les valeurs sont basées sur un niveau de contraintes admissibles de 5 N/mm². 69j.png
    K NIT 242 du Centre Scientifique et Technique de la Construction (Belgique), respectivement pour des faces sur 3 et 4 appuis.
    Nota : le tableau a, entaché d'erreurs sera remplacé par le tableau b, transmis par le CSTC (conversation personnelle).
    a 69i1.jpg
    b 69i1erratum.jpg
    c 69i2.jpg
    L La Norme DIN 32622 (traduction partielle) traite des faces latérales (NDT : à priori, en appui sur 4 côtés) et du fond autoporté pour des cuves de 200 x 60 x 60 cm maximum, destinées à un usage privé. Elle autorise une flèche de 1/500 de la plus grande distance entre appuis (entre 2 traverses). 69k1.jpg 69k2.jpg
    M Le Catalogue and reference guide - Flooring ans aquaria 14 de la société National glass. 69l.jpg
    N Dans son Memento 2007 au chapitre Détermination des épaisseurs § 3.2.410 Vitrages d'aquariums et de hublots de piscine page 421, la société Saint Gobain Glass précise les critères et formules de calculs, tirés des coefficients de Timoshenko, pour différents types de verres et de cuves (fond, faces en appui sur 3 et 4 côtés...). Ces calculs ont été repris dans mon Calculateur d'épaisseur de verre selon SGG. 69m.jpg
    Extrait relatif aux aquariums
    O

    Ceux qui souhaitent réaliser leurs propres calculs peuvent se référer aux documents normatifs :
    - Norme NF DTU 39-P4 - Travaux de vitrerie miroiterie : Mémento calculs pour le dimensionnement des vitrages; fournit les formules à utiliser selon les cas d'utilisation des vitrages.
    - Norme prEN 13474-1. Verre dans la construction - Détermination de la résistance du verre plat - Partie 1 : Verre et produits verriers pour les fenêtres.
    - Norme prEN 13474-2. Verre dans la construction - Détermination de la résistance du verre plat - Partie 2 : Conception sous charge uniformément répartie.
    - Norme prEN 13474-3 : Verre dans la construction - Détermination de la résistance du verre plat - Partie 3 : méthode de détermination de la résistance du verre. - L'Eurocode 1, partie 1-1, définit les actions permanentes (poids propre, pression d'eau) et variables à considérer.

    69o.jpg

    Les calculs théoriques sont aujourd'hui normalisés et s'appuient sur la théorie des plaques minces, à faible déplacements. Les méthodes ci-contre, pour verre structural ou miroiterie, n'envisagent pas des charges progressives ni une hauteur d'eau supérieure à la vitre (hublot). Le calculateur d'épaisseur de verre de Cap récifal, répond à ces normes avec une pression hydrostatique progressivve.

     

    5.2.4.2. Comparaison de la simulation CAO avec les préconisations

    La figure 12 permet de visualiser l'ensemble des résultats obtenus selon les préconisations d'usage ci-dessus, dont le tout nouveau calculateur Calcul d'épaisseur de verre pour vitrages d'aquariums (pointillé vert), avec la simulation CAO (pointillé rouge).

    Figure 12 : Comparaison des épaisseurs préconisées selon les différentes règles.
    70a.png
    a : Faces en appui sur 4 côtés.
    70b.png
    b : Faces en appui sur 3 côtés.

     

    Les zones grisées rouge représentent l'étendue des préconisations pour un même cas. On comprend les hésitations du concepteur d'aquarium face à autant de disparités. Dans le cas de faces en appui sur 4 côtés (fig. 12a), les préconisations s'échelonnent de 10 à 19 mm pour une cuve modèle M600 dont la face mesure L 150 x H 60 cm ! Autant dire que le budget pour la réalisation du bac n'est pas le même. Et pourquoi devrions-nous choisir la solution la plus épaisse au seul prétexte que ce qui peut le plus, peut le moins, sachant qu'un verre plus épais est moins transparent et pénalisera nos observations, au quotidien ? La situation se complique en présence d'une face en appui sur 3 côtés (fig. 12b) : peu de règles proposent cette solution, celles qui la proposent se limitent à une hauteur de 600 mm et lorsqu'elles la proposent, les valeurs sont également dispersées.

    Le tracé en en pointillé rouge visualise les résultats obtenus par les simulations CAO. Les valeurs se situent dans le bas de la fourchette. Cela peut s'expliquer par une meilleure prise en compte du comportement de la colle. En effet, comme on l'a vu plus haut, la simulation intègre les caractéristiques de la colle avec une charge hydrostatique réaliste.

    5.2.4.3. Quelles préconisations choisir ?
    • On évitera bien entendu tout ce qui est imprécis et ne repose pas sur des sources fiables.
    • Un professionnel, fabricant d'aquariums, pourra préférer garantir son aquarium selon une norme officielle comme la norme DIN 32622 (règle L) qui ne prévoit malheureusement pas plus que 60 cm de hauteur d'eau ou les données d'un verrier, si lui-même peut garantir sa méthode de calcul.
    • Parmi ces derniers, les préconisations de Saint Gobain Glass (règle N) précisent leurs sources. Elles prennent en compte plusieurs types de verre, d'appuis (3 ou 4 côtés), les cas de faces verticales et ceux du fond horizontal. Ils intègrent la pression d'eau variable ainsi que les situations ou la hauteur d'eau dépasse celle de la vitre. Un calculateur facilite les opérations pour tous cas de dimensions et permet de situer le niveau de risque (coefficient de sécurité). C'est une règle fiable, polyvalente et facile à exploiter.
      Par contre, dans le cas d'une vitre en appui sur 3 côté, cette méthode propose curieusement des épaisseurs de verre bien en delà des autres et de ce que l'on peut constater dans la pratique.
    • Les tableaux de préconisations du CSTC, établis pour certaines dimensions, sont basés sur la méthode des coefficients partiels, normalisée par la série des normes prEN-14374 et les Eurocodes. Ils démontrent une cohérence avec la réalité et sont proches des simulations CAO (seul le tableau b de la règle K a été pris en compte). Ils s'exploitent rapidement mais ne répondent qu'à un nombre déterminé de dimensions. Les calculs répondent à de nombreux cas non prévus par les tableaux mais ils sont complexes et hors de portée de l'aquariophile qui n'aurait pas le temps de s'y plonger. Il existe bien des logiciels de calcul mais, adaptés aux cas des vitrages du bâtiment, ils délaissent quelques spécificités relatives aux aquariums.
    • Le calculateur Calcul d'épaisseur de verre pour vitrages d'aquariums (pointillé vert) de Cap récifal, comme la règle K, est établi selon les Eurocodes. Il permet d'envisager de nombreux cas particuliers. Ces résultats se rapprochent le plus de la simulation CAO. Ceci s'explique par le fait que les coefficients de sécurité sont multiples et adaptés au mieux, selon les normes. Ses valeurs restent supérieures à la simulation CAO, notamment parce qu’il ne prend pas en compte l'impact du joint élastique.
    • La simulation CAO (pointillé rouge) propose des valeurs dans le bas de la fourchette. Cela peut s'expliquer par une meilleure prise en compte du comportement de la colle. En effet, comme on l'a vu plus haut, la simulation intègre les caractéristiques de la colle avec une charge hydrostatique réaliste alors que dans les calculs théoriques, les plaques de verre sont supposées en simples appuis, avec moins de degrés de liberté et parfois une pression d'eau linéaire. La simulation permet de répondre à des cas très particuliers non prévus par les modèles standards tout en s'approchant au mieux de la réalité, comme l'effet amplificateur d'une liaison élastique par collage, sur la flèche de la vitre (prEN 13474-2). Elle permet de prendre en compte le poids propre du verre, non négligeable dans certaines situations, et d'affiner ses choix spécifiques. Dans le cas d'usage professionnel ou en présence de public, elle nécessite d'être validée par un bureau d'étude spécialisé.

     

    En résumé, concernant l'épaisseur du verre des vitrages verticaux :

    • De nombreuses préconisations sont arbitraires, certaines présentent des surcoûts et des dangers.
    • Les préconisations utilisant les Eurocodes sont les plus cohérentes avec les simulations CAO et les solutions pérennes en aquariophile.
    • Le calculateur Calcul d'épaisseur de verre pour vitrages d'aquariums de Cap récifal, basé sur les Eurocodes, permet d'étudier de nombreux cas particuliers de cuves, avec cohérence.

     

    5.3. Renforts : cas des raidisseurs (ceinturage)

    Les vitres verticales d'aquariums de grande longueur et/ou hauteur présentent les déformations et contraintes les plus importantes. Quand elles ne sont pas encastrées dans un cadre, on peut faire appel à des renforts destinés à les diminuer avec parfois, la possibilité de réduire les épaisseurs des faces verticales. Lorsque les quatre parois sont renforcées par des raidisseurs, ils forment ce que l'on nomme le ceinturage. Les éléments du ceinturage sont en général de mêmes dimensions mais ce n'est pas une obligation dans la mesure ou chaque raidisseur est adapté à la vitre qu'il renforce.

    Le ceinturage est composé de raidisseurs et de colle, voyons comment ces deux éléments réagissent en situation.

    5.3.1. Comment se comporte la colle silicone dans des raidisseurs ?

    73.jpg
    Modélisation du raidisseur collé.

    La modélisation de raidisseurs sur les modèles M300 avec raidisseur largeur 60 mm et M2700 avec raidisseur largeur 185 mm (illustration ci-contre) révèle l'impact de l'épaisseur du collage sur la résistance du raidisseur et sur le collage lui-même. Le modèle M2700 avec un raidisseur est bien entendu un cas extrême d'étude. Le raidisseur, sous les effets de la pression hydrostatique puis des déformations des vitrages et des joints, se comporte comme une poutre fléchie sur deux appuis qui ne seraient pas aux extrémités. Sa partie centrale se déforme dans une direction tandis que ses bordures se déplacent dans l'autre. Le joint de colle est donc tendu au centre et comprimé aux extrémités. Comme on le voit sur le graphique 13, lorsque l'épaisseur est très faible, inférieure à 0,5 mm, les contraintes maximales sont localisées aux extrémités (fig 1b). Cette situation de fortes contraintes peut entrainer des fissures dans cette zone du verre. Très vite, au-delà de 0,5 mm, les contraintes se répartissent le long du raidisseur et deviennent supportables. Ce scénario se reproduit de manière très similaire sur les deux modèles étudiés de 300 litres et 2700 litres. A partir de 0,5 mm, les contraintes maximales dans la colle restent très stables.

    Figure 13 : Répartition des zones de contraintes dans un raidisseur selon l'épaisseur du collage
    73a.jpg
    a1 : Raidisseur. Ep. joint 0.2 mm
    73b.jpg
    a2 : Extrémité. Ep. joint 0.2 mm.
    75a.jpg
    b1 : Raidisseur. Ep. joint > 0.2 mm.
    75b.jpg
    b2 : Extrémité. Ep. joint > 0.2 mm.
    Pour une faible épaisseur (fig.a1, a2), la contrainte maximum est localisée en bout de raidisseur (fig. a2) , ici de 30 MPa (zone orange), au-delà de la résistance du verre ; le centre du raidisseur (fig. a1) est alors peu sollicité, environ 3 MPa (zone bleu-clair). Pour une épaisseur légèrement plus importante, les contraintes maxima (zone rouge) se répartissent au centre du raidisseur (fig. b1) à un niveau acceptable (ici 8 MPa), les extrémités du raidisseur (fig. b2) ont alors très peu contraintes (zones bleues).

     

    5.3.2. Comment dimensionner des raidisseurs ?

    Tableau 7 : Raidisseurs analysés
    Cuve Joint Raidisseur
    Modèle Ép. Ép.* Largeur
    M60 1 mm 5 mm 25 mm
    M120 1 mm 5 mm 40 mm
    M300 1 mm 8 mm 60 mm
    M600 2 mm 12 mm 90 mm
    M1100 2 mm 30 mm 90 mm
    M1800 3 mm 40 mm 110 mm
    M2700 3 mm 50 mm 130 mm
    * Épaisseur du joint sur l'ensemble de la cuve.

    On peut trouver quelques préconisations pour le calcul des raidisseurs comme la note d'information NIT242 du Centre scientifique et technique de la construction ou comme d'autres calculateurs qui ne précisent pas toujours leur mode de calcul. Quoi qu'il en soit, les méthodes de dimensionnement sont issues de la théorie des poutres en résistance des matériaux : elles assimilent l'élément à un modèle simplifié permettant d'évaluer, à des erreurs connues près, la résistance et la déformée. C'est une approximation, peu pénalisante, mais seulement si l'on reste dans le domaine de la situation applicable à ladite poutre, ce qui n'est pas le cas des formules proposées. Par exemple le raidisseur ne se comporte pas comme une poutre isolée en deux appuis simple, comme on vient de le voir, en effet la rigidité du vitrage collé et la souplesse de la colle silicone ne sont jamais prises en compte. Ainsi, les valeurs des forces de réactions aux appuis ne représentent pas la réalité, on ne se soucie pas de leurs répartitions ni de l'évolution de leurs surfaces d'application selon les déformations. Bref, s'agissant d'un vitrage d'aquarium, d'approximations en simplifications, on peut aboutir à un surdimensionnement ou au contraire passer à côté de situations pouvant être critiques, et quand ces simplifications ne vont pas toutes dans le même sens (favorable ou défavorable) les solutions proposées ne peuvent plus prétendre aller dans le seul sens de la sécurité. Au contraire, la simulation CAO permet de cerner comment évoluent les contraintes, aux contacts ou au sein même des matériaux. Cette notion est particulièrement intéressante en présence de matières souples comme la colle silicone ou en relation avec d'autres éléments de l'assemblage tels qu'une vitre disposant de renforts.

    Puisque nous n'avons pas souvent l'opportunité de modéliser le cas qui se présente à nous, et en l'absence d'outils de calcul, il a paru intéressant de confronter les résultats obtenus avec le Calculateur d'épaisseurs de vitrages d'aquariums de Cap récifal, seul disponible sur le net, avec la modélisation CAO. Ce comparatif est réalisé sur les cuves modélisées plus haut, de 60 à 2700 litres. Les dimensions choisies pour les raidisseurs (tableau 7) sont des exemples, pour les seuls besoins de l'analyse.

    Figure 14 : Contraintes et flèches selon calculateur CR et simulation 3D.
    76.png

     

    Les écarts (fig. 14) sont stables sur l'ensemble des modèles. L'écart maximum est de 5 % pour les contraintes et de 0.4 mm pour les flèches, ce qui reste une bonne approximation compte tenu des longueurs considérées. Les valeurs obtenues avec le Calculateur d'épaisseurs de vitrages d'aquariums, seul outil actuellement disponible pour le dimensionnement des raidisseurs, apparaissent fiables et cohérentes.

    5.3.3 Comment évaluer la résistance au décollement des raidisseurs ?

    L'absence de donnée fiable sur la résistance mécanique admissible au sein du joint silicone, notamment à l'interface colle/verre, ne permet pas de tirer des conclusions sur les résultats obtenus localement par simulation. En effet, les contraintes en extension sont maximales au niveau de la surface du verre et décroissent très rapidement au sein de l'élastomère. On doit donc se contenter de suivre la règle admise, celle de vérifier la contrainte moyenne, c'est à dire le ratio entre la charge hydrostatique globale qui se répercute sur le raidisseur et sa surface sollicitée. C'est ce qu'intègre le calculateur d'épaisseur. Ce calculateur détermine si, les conditions de résistance du verre étant remplies, elles le sont du point de vu des forces adhésives. Ainsi, on peut avoir avantage à doubler l'épaisseur du raidisseur quitte à en réduire la largeur.

    En résumé, concernant les raidisseurs :

    • Un joint de colle excessivement faible centralise dangereusement les efforts aux extrémités du raidisseur.
    • Un joint d'épaisseur 0,5 mm minimum, est nécessaire. Trop important, la rigidification de l'ensemble des vitrages sera affectée.
    • Les conditions d'adhésion imposent parfois d'augmenter (doubler) l'épaisseur du raidisseur tout en réduisant la largeur.
    • Le Calculateur d'épaisseurs de vitrages d'aquariums de Cap récifal permet de dimensionner les raidisseurs avec cohérence.

     

    5.4. Renforts : cas des traverses

    Les traverses relient les faces avant et arrière. Autrefois très répandues, les exigences de l'aquariophilie récifale en termes de lumière et d’accessibilité, lui préfèrent les raidisseurs. Les traverses sont toutefois encore utilisées sur les cuves de grande longueur. Des traverses correctement dimensionnées, permettent également d'assimiler la vitre à un cas "en appui sur les quatre côtés". Ceci, à condition que le nombre de traverses soit suffisant pour accepter cette approximation, en effet la vitre n'étant pas retenue sur toute sa longueur, elle se trouve plus sollicitée face aux traverses comme on le voit sur l'illustration ci-contre (zone rouge).

    5.4.1. Comment évaluer la résistance en traction et en flexion des traverses ?

    L'effort de traction exercé sur la traverse n'est pas un réel problème. Les contraintes y sont faibles comme le dévoile sa couleur bleue (fig. 15a). Une faible largeur de 30 mm aurait suffi ici, pour résister. Son dimensionnement sera plutôt conditionné par sa résistance à la flexion sous un effort, comme par exemple celui du soigneur qui prendrait un appui en son milieu. Ce cas simple de poutre fléchie est pris en compte dans le Calculateur d'épaisseurs de vitrages d'aquariums.

    5.4.2. Pourquoi multiplier les traverses ?

    Dans l'exemple de la figure 15, d'une cuve modèle M110, la contrainte maximale dans le verre, excessive, supérieure à 8 MPa (fig. 15a), est réduite à un niveau acceptable inférieur à 5 MPa, en doublant le nombre de traverses (fig. 15b). En effet, les maxima se répartissent alors entre les deux traverses et le centre de la vitre, ceci bien que leur largeur soit réduite de 150 à 110 mm.

    Figure 15 : Impact du nombre de traverses sur les contraintes et déformations de la vitre
    80a.jpg
    a : Contrainte max concentrée
    80b.jpg
    b : Contraintes max réparties.
    80c.jpg
    c : Déformation du bord supérieur.
    80d.jpg
    d : Déformation répartie au centre.

     

    De la même manière, de façon non négligeable pour éviter les distorsions visuelles au travers du verre, les déformations se répartissent et la flèche maxi passe de 1.5 mm, dans la bordure supérieure de la vitre avec une traverse (fig. 15c), à 0,6 mm au centre du vitrage, avec deux traverses (fig. 15d).

    5.4.3. Comment évaluer la résistance au décollement des traverses ?

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    Efforts résultants sur les traverses et la colle.

    On le constate (fig. 15a et b), le collage est soumis à un effort de traction non négligeable. Pour les mêmes raisons que pour le raidisseur, les données de simulation ne peuvent être exploitées. On s'en tient à vérifier que la force résultante qui s'applique sur la colle ne génère pas une contrainte moyenne supérieure à celle communément admise pour le produit.

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    Surface de collage augmentée

    Dans l'exemple ci-dessus avec 2 traverses sur une cuve M1100 (L 2 m x H 0.7 m), la simulation définit une force de 550 N sur chaque traverse (illustration ci-contre). Le calculateur donne le même résultat : 541 N. Cela revient à dire que la contrainte moyenne est, compte tenu de la surface de colle, de 0,33 MPa (simulation et calculateur). Cette valeur est excessive pour la colle silicone utilisée. Cette situation confirme que, fréquemment pour les cuves hautes, la surface de collage doit être augmentée, par exemple en doublant l'épaisseur par une pièce de verre. Ainsi, le doublement de la largeur de collage (traverse plus pièce de verre) la contrainte moyenne dans la colle est réduite à 0.17 MPa (simulation 3D) et 0,16 MPa (calculateur), ce qui est acceptable.

    Rappelons que, raidisseurs ou de traverses, le dimensionnement de la cuve doit toujours prévoir un éventuel décollement. C'est à dire qu'une vitre normalement maintenue sur quatre côtés, doit pouvoir résister à la rupture, en appuis sur trois côtés, le temps nécessaire aux interventions. C'est l'état limite ultime évoqué plus haut. Cette notion essentielle, malheureusement éludée dans de nombreux calculs est intégrée dans le Calculateur d'épaisseurs de vitrages d'aquariums.

    En résumé, concernat les traverses :

    • Des traverses permettent d'assimiler une cuve à une situation "en appui sur 4 côté", seulement si leur nombre est suffisant.
    • Un nombre adapté de traverses permet de réduire notablement les contraintes et les déformations maximales de la vitre.
    • La traverse doit être suffisamment résistante pour supporter une charge en flexion imprévue.
    • Le critère d'adhésion est crucial dans le dimensionnement du renfort.
    • L'obtention d'un niveau de sécurité acceptable peut nécessiter d'augmenter la surface de collage par un renfort en verre.
    • Le Calculateur d'épaisseurs de vitrages d'aquariums permet de dimensionner les traverses et leur collage avec cohérence.

     

    5.5. Incidence de perçages sur la résistance d'une face d'aquarium

    Les façades arrières d'un bac sont souvent percées d'un ou de plusieurs trous d'arrivée ou de débordement d'eau, dans leur partie supérieure. Le verre possède une certaine élasticité permettant de supporter des sollicitations mais ces perçages le fragilisent de manière évidente. Il n'existe pourtant pas de donnée concernant leur incidence sur la résistance du vitrage. Le concepteur d'une cuve doit donc bien souvent les positionner sans connaitre la réelle répercussion de ses choix.

    5.5.1. Quels sont les effets d'un perçage sur un vitrage ?

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    Modélisation de perçage.

    Les deux paramètres importants, a priori, sont la taille des perçages et leur distance par rapport aux bordures. Dans un premier temps, l'analyse a tenté d'évaluer l'ampleur de son impact en s'éloignant de ses bords.

    Figure 16 : Évolution des contraintes aux abords des perçages
    27.png
    Perçages de 10, 30 et 60 mm, réalisés sur des modèles M60, M600 et M2700. Les contraintes, exprimées en pourcentage par rapport à une situation sans perçage, se stabilisent à une distance égale au diamètre du trou.

    L'analyse porte sur 3 modèles de cuves de 60, 600 et 2700 litres. L'épaisseur du verre correspond à un cas d'appui sur 4 côtés, mais pour répondre à la réalité, la simulation est traitée en appui sur 3 côté, comme si la cuve était sans renfort, cas représentatif d'une situation extrême ou ce dernier se serait décollé. Cette situation est plus contraignante qu'une cuve dimensionnée pour 3 appuis. Les vitres, supposées collées, sont percées d'un trou dans la zone centrale supérieure du vitrage, de plus forte déformation. Le diamètre des perçages de 10, 30 et 60 mm, associés aux modèles choisis, couvrent un large champ de situations.

    Les techniciens matériaux le savent : toute discontinuité de forme (épaulements, gorges, trous...) génèrent des concentrations de contraintes qu’ils intègrent dans les calculs par un facteur de concentration, coefficient Kt, reposant sur les hypothèses de la théorie de l'élasticité. Kt dépend de la géométrie de la forme, la géométrie de la pièce et la nature des sollicitations. Dans le cas de perçage circulaire, Kt est indépendant de la taille du trou, les petits se comportent exactement comme les gros. Les contraintes sont maximales au voisinage du changement de section. C'est ce qui est constaté ici (figure 16), où les contraintes déterminées par la simulation 3D sont comparées à celles du même vitrage sans trou. Les courbes expriment l'évolution des contraintes en pourcentage selon leur distance aux bordures exprimée en fonction du diamètre du trou. Comme on le voit, malgré la diversité des situations, les comportements sont similaires dans tous les cas :

    • Les bords des trous sont le siège de contraintes jusqu'à deux fois plus importantes qu'en leur absence (Kt).
    • La situation s'améliore rapidement dès que l'on s'écarte du bord.
    • Les sollicitations retrouvent un niveau stable au-delà d'une distance de 1 fois le diamètre du trou.
    28.jpg
    Profil d'iso-contraintes autour d'un trou débouchant.

    Les analyses 3D permettraient d'évaluer Kt avec une précision de l'ordre de 10%. Mais la situation n'est pas aussi simple : aux contraintes générées par le perçage du trou, se superposent celles, inégales, subies par la vitre. Ainsi, comme on peut le voir sur l'illustration ci-contre, le gradient des contraintes ne décroit pas radialement de la même manière et le point maxi n'est pas systématiquement dans le plan vertical. Les contraintes peuvent alors se stabiliser à un niveau plus élevé qu'en l'absence de perçage. Expérimentalement, la manière dont elles décroissent peut prendre toute forme de courbe à l'intérieur de l'enveloppe rose délimitée dans la figure 16.

    5.5.2. À quelle distance des bords percer les trous ?

    Il existe peu de recommandations pratiques concernant le perçage du verre. Certaines concernent le verre durci ou trempé et la réalisation de trous destinés à la fixation des vitrages, comme celles du Centre scientifique et technique de la construction Belge (CSTC) et du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB). Ces cas, qui incluent des analyses en compression du verre, sont bien éloignés de nos vitrages d'aquariums dont les bords sont collés et qui travaillent essentiellement en flexion. Ces recommandations accordent une première importance à l'épaisseur du verre alors que les simulations 3D, sur des faces d'aquariums, mettent en évidence le diamètre du perçage comme paramètre essentiel. Observation qui rejoint les études mécaniques sur le sujet.

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    Conditions de perçages selon simulation 3D.

    Dans l'état actuel des simulations 3D réalisées on peut dégager une règle :

    • Distance du bord d'un trou à celui du vitrage : au minimum une fois le diamètre du trou.
    • Distance du bord d'un trou à celui d'un autre trou : au minimum la somme des diamètres des deux trous.

    Ces données ne sont toutefois pas corroborées par des tests pratiques. Elles ne prennent pas en compte les potentiels effets de l'eau sur l'évolution des contraintes dans le verre et doivent être interprétées avec prudence. Dans la pratique, ces distances sont en général supérieures, ne serait-ce que pour placer les passe-parois utilisés en aquariophilie, avec des collerettes d'appui débordant largement du trou.

    5.5.3. Où positionner les trous dans un vitrage ?

    On peut retenir de cette analyse, qu'il est essentiel de ne pas fragiliser le vitrage en évitant de le percer là où il est le plus sollicité, de telle sorte que la contrainte maximale ne soit pas augmentée. Mais où se trouvent ces zones de moindres contraintes ?

    Les profils de courbes d'iso-contraintes sont spécifiques à chaque cas. Afin d'orienter le choix du positionnement la simulation 3D permet d'établir une cartographie des iso-contraintes pour les modèles de cuve de 60 à 2700 litres. Ces cartographies sont établies avec deux valeurs seuils maxi et mini :

    • Zone bleue : contraintes inférieures au seuil mini. Les perçages ne fragiliseront pas la vitre avec les coefficients de sécurité préconisés pour l'application.
    • Zone jaune à verte : contraintes entre les seuils mini et maxi. Les perçages génèreront des contraintes qui peuvent dépasser les contraintes admissibles pour des coefficients de sécurité préconisés.
    • Zone rouge : contraintes supérieures au seuil mini. Les contraintes finales admissibles seront dépassées. Cette zone est à éviter pour rester dans les coefficients de sécurité préconisés. Une augmentation de l'épaisseur, au moins dans la zone percée, peut être envisagée.

    Les modèles sur 4 appuis (figure 17) sont dimensionnés avec des épaisseurs de verre pour 4 appuis, mais simulés avec 3 appuis (il s'agit de l'état de service accidentel correspondant à un décollement des renforts). La cartographie est établie avec des seuils mini 6,5 MPa et maxi 8,5 MPa. Ces derniers autorisent une augmentation respectivement de 100 % et 50 % de la contrainte due au perçage permettant de rester en deçà de la valeur admissible pour un ELS accidentel à 12,7 MPa.

    Figure 17 : Profils d'iso-contraintes de modèles de cuve dimensionnés sur 4 appuis, simulés en 3 appuis
    83-60.jpg
    Modèle 60 : 500 x 300 x 4 mm
    83-120.jpg
    Modèle 120 : 600x400 x 5 mm.
    83-300.jpg
    Modèle 300 : 1000x500 x 8 mm.
    83-600.jpg
    Modèle 600: 1500x600 x 12 mm.
    83-1100.jpg
    Modèle 1100 : 2000x700 x 15 mm.
    83-1800.jpg
    Modèle 1800 : 2500x800 x 19 mm.
    83-2700.jpg
    Modèle 2700 : 3000x900 x 25 mm.
    Cartographie des contraintes dans les modèles de cuve : zone bleue < 6.5 MPa ; zone rouges > 8.5 MPa. Les perçages doivent être évités dans les zones rouges, ou bien le verre doit être renforcé.

     

    La cartographie des modèles avec 3 appuis (figure 18) est établie avec des seuils mini 4,5 MPa et maxi 6,5 MPa. Ces derniers autorisent une augmentation respectivement de 100 et 15 % de la contrainte due au perçage permettant de rester en deçà de la valeur admissible pour un état limite de service à 7,5 MPa.

    Figure 18 : Profils d'iso-contraintes de modèles de cuve sur 3 appuis
    84-60.jpg
    Modèle 60 : 500 x 300 x 4 mm
    84-120.jpg
    Modèle 120 : 600x400 x 6 mm.
    84-300.jpg
    Modèle 300 : 1000x500 x 10 mm.
    84-600.jpg
    Modèle 600: 1500x600 x 15 mm.
    84-1100.jpg
    Modèle 1100 : 2000x700 x 25 mm.
    Cartographie des contraintes dans les modèles de cuve : zone bleue < 4,5 MPa ; zone rouges > 6,5 MPa. Les perçages doivent être évités dans les zones rouges, ou bien le verre doit être renforcé.

     

    En résumé, concernant les perçages :

    • Un perçage génère très localement, en bordures du trou, des contraintes qui peuvent doubler.
    • Les contraintes aux abords d'un perçage décroissent rapidement, pour se stabiliser.
    • Les contraintes peuvent se stabiliser au niveau du même vitrage non percé ou supérieur, selon l'emplacement du perçage.
    • La distance du bord d'un trou à celui du vitrage devrait mesurer au minimum une fois le diamètre du trou.
    • La distance du bord d'un trou à celui d'un autre trou devrait mesurer au minimum la somme des diamètres des deux trous.
    • Privilégier l'emplacement des trous dans les zones de moindres contraintes lorsque la situation du vitrage est la plus critique.

     

    5.6. Fond d'aquarium en porte-à-faux

    85a.jpg
    Modélisation du fond en porte-à-faux, sous une pression d'eau variable.

    Certains aquariums, pour des questions d'esthétique ou d'encombrement, présentent une surface plus grande que leur support. La partie du fond, qui dépasse de ce support est en porte-à-faux. Le verre possède une résistance et une élasticité qui le permettent dans une certaine limite. Pour déterminer cette dernière, le fond d'un aquarium a été modélisé (ci-contre à droite) l'épaisseur du verre et la hauteur d'eau étant variables. Les côtés de l'aquarium ont été fixés suffisamment grand, à un mètre, de telle sorte qu'ils n'interfèrent pas dans les résultats.

    85b.jpg
    Répartition des contraintes et des déformations.

    Comme on le voit ci-contre, la contrainte est maximale dans les angles du support puisque le verre subit, à cet endroit, les effets cumulés de la flexion dans deux axes perpendiculaires. Cette contrainte est bien supérieure à celle mesurée le long des côtés du support. Le fond se comporte en effet comme une plaque. Tout calcul qui le considèrerait comme une simple poutre, comme on le constate parfois sur le net, serait entaché d'une erreur importante, critique.
    Ces simulations ne prennent pas en compte les vitrages verticaux collés. Leur masse représente certes une charge supplémentaire, mais en même temps, agissant comme renforts, ils supportent une partie des effets dus à la pression hydrostatique, allégeant ainsi les contraintes dans la vitre du fond. Des études antérieures ont permis de déterminer que l'absence de vitrage est finalement plus pénalisante. La modélisation choisie, représente donc une situation plus critique.

    La figure 19 définit les limites d'un porte-à-faux, selon la hauteur d'eau et l'épaisseur du verre. Cette limite a a été tracée pour une contrainte maximale, dans les angles du support, de 7.5 MPa. Bien évidemment, les plus fortes épaisseurs permettent des porte-à-faux plus importants.

    Figure 19 : Porte-à-faux selon la hauteur d'eau et l'épaisseur du verre
    85c.png
    Les courbes déterminent la limite de contrainte de flexion maximale à 7.5 MPa pour une épaisseur de verre, en fonction de la hauteur d'eau. Pour chaque épaisseur, les valeurs sont à choisir à gauche de la courbe correspondante.

     

    Il faut reconnaitre que cette utilisation d'un aquarium dont le fond de verre est en porte-à-faux, est exceptionnelle. En principe, s'agissant d'un matériau aux effets parfois imprévisibles, les particuliers s'orientent vers la solution plus sûre, du vitrage reposant sur une plaque rigide, elle-même en porte-à-faux.

    En résumé, concernant les porte-à-faux:

    • Le verre résiste dans une certaine limite à un porte-à-faux.
    • Les contraintes sont maximales dans les angles formés par deux porte-à-faux.
    • Les épaisseurs plus importantes autorisent des porte-à-faux plus grands.
    • Autant que possible, supporter le verre avec une plaque rigide elle-même en porte-à-faux.

     

    Nous pourrions étudier encore le comportement mécanique d'une cuve, tant les simulations 3D sont riches d'enseignements. Ces analyses ont déjà pu paraitre rébarbatives pour certains lecteurs et nous en resterons là. Souhaitons qu'elles éclairent ceux qui aiment concevoir leurs cuves en connaissance de cause. Ces données ont, pour l'heure, été exploitées dans la partie 2, plus pratique celle-là, consacrée à la conception et la réalisation des cuves d'aquariums.

     

    En savoir plus *

     

    Tous mes remerciements à Gregory Lagarigue et Thierry Seguin pour leurs contributions et au soutien des Acros de Cap récifal.

    Denis TOURNASSAT

    Article publié par Cap récifal le 01 juin 2015 avec l'aimable autorisation de l'auteur.

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