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  • Mesure du PAR, ce qu'il faut retenir


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    • Depuis bien longtemps, pour l'éclairage de leur aquarium, les récifalistes appliquent à peu près tous la même règle empirique du 1 watt par litre. Ainsi, un bac de 500 litres, équipé d'une dizaine de tubes T5 de 54 W ou de 2 HQI de 250 W était considéré comme correctement éclairé. S'en suivaient simplement, les changements annuels d'ampoules ou de tubes. Et cela suffisait à notre paisible passion...

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    1. Disponibilité des LED

    Une nouvelle source de lumière a récemment bouleversé nos bonnes vieilles habitudes : les LED (light-emitting diode) ou DEL (diode électroluminescente), récemment disponibles sur le marché, éclairant plus tout en consommant moins, sont venues perturber le train-train quotidien de l'éclairage de nos bacs.

    De telles performances sont permises grâce à un rendement plus élevé pour une même consommation d'énergie. Mais aussi parce qu’une LED est naturellement limitée à un faisceau lumineux d'environ 120° (sans optiques additionnelle), contrairement aux sources classiques qui rayonnent en général à 360°. Le gain lumineux n'est donc pas négligeable et s'accompagne d'une consommation moindre.

    L'éclairage LED fait désormais partie du quotidien du récifaliste, de nombreux aquariophiles fonctionnent avec ce type d'éclairage. Cependant, deux questions reviennent assez régulièrement de la part des non-initiés et amateurs du montage DIY : " combien de LED ?" et "quelle puissance dois-je placer au-dessus de mon bac ?". C'est bien à ces questions que cet article propose de répondre en établissant, autant que faire se peut, une correspondance entre les sources d'éclairages dites classiques (HQI, T5) et les LED multichips de nouvelle génération.

     

    2. PAR et quantum-mètre

    Avant d'entrer dans le vif du sujet, il parait indispensable de définir le flux lumineux et comment il est quantifié. Cela permettra de croiser les résultats obtenus avec ceux qui sont, ou seront publiés.

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    Le flux lumineux est exprimé en PAR (Photosynthetically Available Radiation) dont l'unité de mesure est le µmol/m²/s. Contrairement au lumen (mesuré avec des luxmètres), le PAR représente la quantité de lumière (le nombre de photons) dans les longueurs d'ondes comprises entre 400 et 700 nm, c'est çà dire le spectre le plus utile à la photosynthèse de nos chers et tendres coraux.

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    Quantum meter Apogee QMSS-E.

    Le rayonnement en PAR est mesuré au moyen d'un quantum-mètre. L'appareil utilisé ici est le modèle Apogee QMSS-E (en mode Electric light). Il présente l'avantage d'être équipé d'une sonde déportée et étanche qui permet des mesures à plusieurs profondeurs du bac (Haut / milieu / Bas). Vous pourrez consulter un compte rendu de test de ce type d'équipement par Dana Riddle dans l'article Product Review: Apogee Instruments' PAR Meter (Model MQ-200) and Software.

    Sachez que, sous les tropiques, à la surface de l'eau, la valeur du PAR peut largement dépasser les 1000 µmol/m²/s comme l'a noté Dana Riddle dans cet autre article Light Data from a Hawaiian Tidepool. Cette valeur amplifiée par le mouvement des vagues, peut alors doubler pendant quelques millisecondes. Il en est de même dans nos bacs à une échelle moindre, grâce au brassage en surface.

    3. Aquariums et rampes de références

    Le hasard a voulu qu'un jour nous ayons pu mesurer ces valeurs de PAR sur le bac de David13 au moment où il effectuait le remplacement de son éclairage classique par une solution LED multichips. De dimensions L 190 x H 70 x P 100 cm, soit un volume de 1200 litres, ce bac présente la particularité fort intéressante pour l'étude, d'avoir une face avant de 100 cm de hauteur !

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    Vue d'ensemble du bac de David13 (face et coté) l'éclairage actuel est délivré par deux HQI 400 W et deux tubes T5 actinics de 80 W soit un total de 960 W.
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    Réflecteur utilisé en hydroponie.

    Malgré tout, ce bac ne suit pas la norme habituelle du 1 watt par litre, car il est éclairé depuis des années par deux ampoules HQI 400 W Aqualine 10000 K, montées dans des réflecteurs martelés d'hydroponie ci-contre et commandées par des ballasts électroniques Lumatek. À cela viennent s’ajouter 2 tube T5 bleus de 80 W. Soit un total théorique de 960 W au lieu des 1200 W classiquement admis.

    Cette rampe a été comparée à une rampe test composée de 5 LED multichips de 50 W, de 4 LED blanches avec optiques de 60° (Satisled 10000 K ; 3500 à 4000 lumens à 1,5 Ampères et 36 Volts, soit environ 54 W maximum), et 1 LED bleue sans optique (angle d’environ 120°) positionnée au centre de la rampe. Elle-même pilotée sous 1,5 Ampères (36 Volts avec un maximum à 54 W). Soit 250 W de puissance théorique.

    En termes d'éclairement, l'ampoule Aqualine de 400 W produit environ 30000 lumens, nous ne tenons volontairement pas compte des T5 dans cette comparaison. Les 4 LED blanches produisent 14000 à 16000 lumens.

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    Vue de face sous HQI/T5.
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    Montage des LED (5 x 50 W) avec leur ventirad et les alimentions.

     

    4. HQi plus T5

    Éclairage sous HQI/T5
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    La rampe est positionnée à 20cm de la surface du bac. Le capteur du quantum mètre, positionné juste sous l'ampoule HQI, mesure 2000 µmol/m²/s. Ce qui signifie qu'il est à saturation, car il ne peut mesurer de flux d'une intensité supérieure. Juste à la surface de l’eau (capteur émergé), à l’aplomb de l'ampoule, l'appareil mesure 600 µmol/m²/s. Sous 1 cm de profondeur cette valeur chute à 460 µmol/m²/s. Ce qui peut vouloir dire que la lumière est rapidement absorbée ou qu'une partie non négligeable est réfléchie empêchant sa pénétration dans l'eau.
    Éclairage sous multichips LED
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    L'intensité du flux décroit logiquement avec la profondeur jusqu’à atteindre un minimum de 110 mol/m²/s à 98 cm de profondeur. Pour les mesures, la rampe LED a été placée à 28 cm de la surface de l'eau afin d'élargir les cônes de lumière des chips LED et donc d'obtenir une couverture au sol équivalente à celle obtenue avec la rampe HQI/T5. Le rendu visuel est satisfaisant bien que le flux semble plus concentré avec la rampe LED. Juste sous les sources LED, le PAR dépasse également les 2000 µmol/m²/s. À la surface de l'eau, il est de 620 µmol/m²/s. Et sous 1 cm d'eau, il est de 500 µmol/m²/s. Avec la profondeur, le PAR diminue comme dans le cas de la rampe HQI, mais semble être plus important avec les LED à toutes les profondeurs mesurées. Par ailleurs, à la croisée des deux spots LED, le PAR est accru pour une profondeur donnée. Ce qui montre le bénéfice obtenu lors du croisement des sources. Malheureusement une telle mesure n'a pu être effectuée avec la rampe HQI.

     

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    Photo montage comparant la répartition de lumiere entre les deux sources, HQI à gauche et LED à droite.

     

    5. Appréciation des résultats

    À la vue des résultats obtenus, il semble évident qu'en terme de quantité de PAR, 250 W de LED suffisent pour égaler, voire surpasser, les 480 W d'une source mixte HQI/T5. Dans cette configuration, la puissance entre LED et HQI/T5 suit un ratio de 1,9 (480 W / 250 W). Ainsi, dans le cas du bac de David13, les 960 W initiaux si le ratio du 1 W/l avait été respecté au départ, pourront être remplacés par 500 W de LED, voire 600 W.

    Connaitre, quantifier et évaluer ce ratio est aujourd'hui indispensable afin que l'aquariophile "lambda" ne sous ou surestime pas la puissance des LED, ce qui pourrait nuire à la bonne santé de ses coraux (SPS / LPS / mous).

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    Vue de coté du bac de David13 sous éclairage Led multichips 250 W.

    6. Notions de PAR et de photophysiologie

    Comme l'a souligné Jérémie Vidal-Dupiol (Trevaly) dans le forum de Cap récifal, la capacité d'un corail à héberger des zooxanthelles est limitée par le nombre de cellules coralliennes, mais surtout par le nombre de zooxanthelles que celles-ci peuvent héberger. Pour des SPS, on observe en général de une à deux zooxanthelles par cellule endodermique. Par ailleurs, la photosynthèse étant une réaction biochimique, il arrive un moment où plus ne peut être transformé en plus. Ainsi, quand tous les photosystèmes de la zooxanthelle sont saturés, il est inutile d'éclairer plus son bac. Cela ne sert physiologiquement strictement à rien, si ce n'est éventuellement à stresser le corail.

    De façon générale, la lumière est considérée comme saturante à un PAR de 250 à 300 µmol/m²/s. De telles valeurs restent cependant à prendre avec un certain recul puisque de nombreux paramètres peuvent l'influencer, tels que le ou les clades de zooxanthelles en symbiose (que l'on pourrait apparenter à une sous espèce ou une souche) ou bien l'espèce hôte corallienne, elle-même.

    Au-delà de cette valeur de PAR dite saturante, la photosynthèse sera moins efficace, car la zooxanthelle souffrira d'un phénomène de photo inhibition que l'on peut définir comme une rupture dans la chaine de captage des photons et de transport des électrons qui en résulte. Ce phénomène naturel n'est pas dangereux, tant qu'il reste modéré.

    A contrario, une photo inhibition intense peut conduire à la mort du corail : à la suite d'une première étape de blanchissement suivie rapidement par la nécrose des tissus. C'est un phénomène que tout récifaliste a malheureusement déjà pu expérimenter en ayant brulé ses coraux à la suite d'un changement d'éclairage.

    Cependant, comme toute entité vivante, la symbiose corail/zooxanthelle peux s'adapter à une très large valeur de PAR. Ainsi, on peut trouver des coraux vivant sous 50-60 µmol/m²/s et d'autres à des valeurs extrêmes de plus 2000 µmol/m²/s. Pour ce faire, le corail va pouvoir ajuster différents facteurs afin que sa physiologie soit en adéquation avec son environnement. Parmi ces facteurs, il y a la photo-acclimatation des zooxanthelles. Ainsi, plus l'éclairement est intense, plus ces dernières réduiront leur teneur en chlorophylle. De leur côté, les coraux très exposés à la lumière auront tendance à réduire la quantité de zooxanthelle qu'ils hébergent, mais surtout à synthétiser divers pigments protecteurs qui joueront un rôle de filtre permettant de protéger leur symbiote (ou leurs symbiotes) d'une surexposition, tout en laissant filtrer les rayons bénéfiques. C'est en partie pour cela que les coraux fortement éclairés ont des couleurs vives : parce que leurs zooxanthelles sont plus claires et qu'il y en à moins, mais aussi parce qu’ils synthétisent des pigments protecteurs.

    Dans son article How Much Light?! Analyses of Selected Shallow Water Invertebrates' Light Requirements, Dana Riddle a ainsi évalué le meilleur éclairement en aquarium pour différents invertébrés, en les soumettant à des éclairages variés jusqu'à apparition de lésions tissulaires. Le tableau ci-dessous résume quelques résultats.

    Valeurs de PAR à saturation du rayonnement, mesurées par Dana Riddle.
    Espèce Valeur de PAR à saturation Profondeur en mer Profondeur pour un PAR équivalent
    dans le Bac LED de David13
    Acropora cervicornis a.jpg ~ 281 µmol/m²/s 17 m ~ 35 cm
    Acropora divaricata e.jpg ~ 77 µmol/m²/s 40 m > 100 cm
    Acropora granulosa f.jpg ~ 107 µmol/m²/s 40 m > 100 cm
    Acropora millepora b.jpg ~ 230 µmol/m²/s < 2 m ~ 40 cm
    Montipora tuberculosa c.jpg ~ 180 µmol/m²/s < 2 m ~ 80 cm
    Pocillopora damicornis i.jpg ~ 225 µmol/m²/s < 2 m ~ 40 cm
    Pocillopora eydouxi d.jpg ~ 323 µmol/m²/s 5 m 15 à 20 cm
    Porites cylindrica g.jpg ~ 200 µmol/m²/s < 2 m ~ 50 cm
    Stylophora pistillata h.jpg 600 à 2000 µmol/m²/s variable ~ 1 cm

     

    7. Références bibliographiques

    Dana Riddle, PAR Meters and LEDs - How Accurate are the Measurements ? A Comparison of Three Meters and Lux to PAR Conversion Factors for LEDs. Advanced aquarist/2013/2 .
    Dana Riddle, Light Data from a Hawaiian Tidepool. Advanced aquarist/2013/9.
    Dana Riddle, Apogee Instruments' PAR Meter (Model MQ-200) and Software, Advanced aquarist/2013/9
    Dana Riddle, How Much Light?! Analyses of Selected Shallow Water Invertebrates' Light Requirements. Advanced aquarist/2007/3.

     

    Bruno MAGLIANO

    Article publié par Cap Récifal le 29 septembre 2013 avec l'aimable autorisation de l'auteur.

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