
1. Découverte
L'équipe pluridisciplinaire du Laboratoire d'écogéochimie des environnements benthiques de la station marine de Banyuls, a été chargée d'étudier plus particulièrement la façon dont les communautés de grande profondeur en mer Méditerranée réagissent aux apports de matières d'origine terrestre.
L’exploration du site, situé à 500 mètres de fond, a été rendue possible grâce à l'affrètement du navire à positionnement dynamique Aprilator 1 de la COMEX, équipé du T.R.O.L (Total Remotely Operated Locomotion), un engin intégralement télécommandé et capable de se mouvoir dans les très grandes profondeurs.
C'est au cours d'une mission de prospection organisée dans les eaux profondes du canyon sous-marin Lacaze-Duthiers, au large de Banyuls que le nouveau spécimen a été découvert la première fois. Lors de prélèvements du substrat, les scientifiques ont pu à maintes reprises, observer des individus accrochés à un mollusque au moyen d'un appendice spécialisé.
2. Morphologie
Cette espèce s’apparenterait à Ablabys taenianotus, le poisson feuille bien connu de la famille Scorpaenidae (identification en cours par une équipe du CNRS). Toutefois sa morphologie diffère quelque peu : il n’évolue pas selon un plan vertical comme les autres espèces du genre Ablabys mais selon un plan horizontal par rapport au substrat. De plus à l’opposé de sa face, il est doté d’un appendice en forme de crochet qui semble être une évolution de la première dorsale venimeuse observée chez les Scorpaenidae. Il dispose de grands yeux globuleux, caractéristiques des poissons de fond et situés sur le même plan de la face. Comme tous les poissons plats fortement liés au substrat, la face extérieure est beaucoup plus pigmentée, formant des motifs parfois complexes et relativement colorés.
3. Cycle de vie
Du fait de son habitat profond, on ne connaît que peu de chose sur son cycle biologique. Toutefois, au début du printemps de nombreux juvéniles et adultes ont été trouvés suspendus par leur appendice spécialisé au dos du mollusque Haumocrai dullesapiens. Les scientifiques ont identifié cette espèce de gastéropode comme la seule utilisée pour le transport de cet opportuniste « auto-stoppeur » clandestin. La relation entre le mollusque et ce poisson est considérée comme étant commensale, en effet le poisson profite du camouflage et du transport de la part du mollusque mais ce dernier ne tire aucun bénéfice de leur relation.
La phase larvaire n’est pas connue, seuls les juvéniles et les adultes apparaissent au début du printemps. Leur développement massif en cette période semble lié à l’afflux de plancton remontant des profondeur du grand canyon. En méditerranée le phénomène est observé sur une très courte période dont le pic dure 24 heures durant le bloom planctonique en surface, amené par les courants ascendants à l’occasion des fortes variations de température et de salinité de l’eau de mer.
La relation spécifique entre le mollusque et ce poisson, de courte durée, rend difficile la description du cycle biologique. Les chercheurs envisagent d’élever cette espèce afin d’en comprendre le développement.
L’existence de cette nouvelle espèce complète l’inventaire des écosystèmes profonds de la méditerranée réalisé dans le cadre de l’étude des aspects fonctionnels de la biodiversité.
4. Classification
Les scientifiques estiment que ce poisson est le « chaînon manquant » entre les rascasses et les Pleuronectidae qui représentent la famille des poissons plats. Son statut de nouvelle espèce vient d’être confirmé par le CNRS suite à l’étude de différents gènes et notamment ceux de la cytochrome oxydase et des ARN ribosomaux 16 S. Les scientifiques l’on dénommé : Ichtuskanu larapril.
Références bibliographiques
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- Bourri, G. De-Loth F.F. 2005., Biochemical and histological alterations of cellular metabolism from fish by commensal relation with Alpheus rubromaculatus, Marine Ecology, Vol. 59, p. 15 - 24.
- Branda J., Demorue M. 2004, Adaptation méthodologique de l’identification génétique des poissons, Mol Cell Biochem. 207 (1-2), 323-348.
- Sart. J, Dhine D, Aluile V., 2002. Relation entre structure génétique et stratégie de reproduction chez les populations de Sardina pilchardus, Paris : Ann. Inst. Océanogr, 51 (2), p. 203 - 221
Denis KINOUSOULAT
Article publié par Cap Récifal le 01 avril 2012 avec l'aimable autorisation de l'auteur.
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