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  • Repro. 4 : Reproduction d'Hippocampus reidi


    olivier26
    • Dans la précédente partie 3 nous avons abordé les principes de maintenance d'Hippocampus reidi. Les animaux maintenant bien acclimatés, il est temps de découvrir les joies de l’accouplement de la reproduction et de l’élevage. C’est là que la partie commence ….

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    1. Reproduction

    Une des clefs de la réussite est d’avoir en premier lieu des géniteurs en bonne santé avec une alimentation de qualité afin que la progéniture soit de bonne qualité.

    1.1. Dimorphisme sexuel

    Les sexes sont séparés. Les hippocampes mâles et femelles peuvent être visuellement sexés lorsqu’ils atteignent la maturité sexuelle (dimorphisme sexuel). La maturité est atteinte à des âges différents pour les différentes espèces, par exemple, à l’âge de 6 mois pour H.reidi. Le mâle dispose d’une poche sur l’abdomen, juste en dessous de la nageoire anale, alors que les femelles ont simplement un abdomen arrondi. La détermination des sexes est plus aisée lors de la séduction et de la grossesse car la poche du mâle se gonfle.

    1.2. Organisation sexuelle

    Les hippocampes ont longtemps été considérés comme des poissons d’appariement monogame à l’état sauvage. Toutefois, il semblerait que la polyandrie (une femelle pouvant s’accoupler avec différents mâles) soit beaucoup plus présente. En aquarium il n’est pas rare de voir une femelle s’accoupler avec différemment mâles successivement. Les femelles pourraient produire des œufs plus rapidement que la durée de gestations des mâles. Chez certaines espèces, comme H. abdominalis le mâle se livre à des parades devant la femelle pour qu’elle le choisisse. En captivité, le fait d’avoir plusieurs mâles pour une ou plusieurs femelles favorise et stimule la reproduction. Chez H. reidi les parades de séduction sont élaborées. Le mâle fait sa cour par une danse et les individus vont s’entrelacer. C’est lors de cet acte que le transfert des œufs à lieu. Le mâle féconde les œufs dans sa poche et les alimente jusqu’à l’éclosion. Selon Carpucino et al. (2002) les mâles contribuent au développement des œufs par des mécanismes d’osmorégulation et des fonctions d’échange gazeux. Ainsi il existe de fortes corrélations entre la taille de la poche du mâle et le nombre de descendants produits, ainsi qu'entre la longueur du corps de la femelle et le nombre de descendants.  Selon Azzarello (1991) la surface de la poche incubatrice du mâle est même un facteur limitant du nombre d'embryons qui peuvent être incubés avec succès. Les œufs ont une forme ovale de 2,5 mm de diamètre et de couleur orange.

    hippocampe reidi
    H. reidi mâle ...
    hippocampe reidi
    ... et femelle, âgés de deux ans.

     

    Pendant l’incubation, le mâle continue à s’alimenter. La durée d’incubation de H. reidi est d’environ 16 jours à une température de 24 à 25 °C. Le mâle, après des contractions, va expulser les alevins hors de sa poche. Il n’y a aucun soin parental vis-à-vis des alevins qui sont libres et commencent à s’alimenter presque immédiatement après l’expulsion. Aucune prédation des adultes vis-à-vis des alevins n’a été observée. La formation des couples se fait facilement lorsqu’il y a un groupe, du fait très certainement de la compétition entre les mâles.

    1.3. Papa-poule !

    hippocampe reidi
    H. reidi mâle avec une poche incubatrice pleine.

    La famille des syngnathidae est caractérisée par un mode unique de reproduction ovovivipare. Le mâle transporte les embryons en développement dans un organe spécial appelé la poche incubatrice.
    La fécondation interne du mâle traduit un taux de fécondation élevé et assure la paternité ce qui est probablement l’un des avantages sélectifs qui a induit l’apparition de cette stratégie (Jones et al, 1998). La grossesse masculine représente une forme inhabituelle de soin parental avec des conséquences évolutionnaires intéressantes au niveau de la sélection sexuelle. Ainsi, les individus des deux sexes doivent disposer d’une grande capacité de discernement dans le choix du partenaire sexuel. Les embryons en développement restent dans la poche ventrale durant la période d’incubation avant d’être libéré en tant que juvénile, sans sac vitellin et identique à l’adulte (Sommer et al. 2012).
    Cette poche a un rôle de protection mais aussi un rôle nourricier (Carcupino et al., 2002). La poche incubatrice est fortement vascularisée et composée de cellules qui ont une fonction sécrétoire (Drozdov et al., 1997). Des auteurs ont également suggéré une fonction d’échange ionique entre le fluide de la poche incubatrice et le sang paternel (Watanabe et al. 1999). Certains auteurs ont également suggérés un transfert d’hormones stéroïdes jouant sur la croissance de l’embryon (Haresign et Shumway, 1981). La poche incubatrice paternelle sert de source nutritionnelle au cours du développement en baignant les embryons dans un fluide riche en macronutriments. Les concentrations de protéines, lipides et glucides dans la poche peuvent être régulée physiologiquement.
    Chez certaines espèces, des œufs non fécondés sont absorbés par la poche incubatrice. La présence de cellules lipidiques dans l’épithélium de la poche d’H. brevirostris suggère que l’œuf peut être ré-absorbé (Ripley et Foran 2006). L’hormone protéique, la prolactine, est libérée dans la poche, causant la dégradation enzymatique de l’œuf pour former le liquide placentaire (Boisseau, 1967).

     

    2. Élevage

    Il existe certainement de multiples possibilités de reproduire H. reidi. Je ne vais citer ici que mon expérience personnelle, mais il n’existe pas qu’un seul chemin pour mener une reproduction à son terme.

    2.1. Capture

    En tout premier lieu il faut commencer par prélever les alevins en évitant de les siphonner car les risques de lésions sont importants. Un bol ou un verre suffit à les capturer sans problème afin de les mettre dans un aquarium de type nurserie. Il n’est pas rare qu’avec H. reidi il y ait plusieurs centaines d’alevins. Cette opération est simple (pour une fois que quelque chose est facile dans l’élevage !), car les hippocampes sont de piètres nageurs.

    2.2. Le bac d’élevage

    2.2.1. Un Kreisel sinon rien…

    La meilleure façon d’élever cette espèce est l’utilisation d’un bac rond qui permet d’établir des mouvements d’eau circulaire afin de garder les proies et les alevins en suspension éloigné des angles de l’aquarium. L’idée de base est d’avoir un courant circulaire qui tourne vers le bas ou vers le haut et autour d’un axe. Ce type de bac est appelé Kreisel. Il permet de maintenir en permanence les animaux dans la colonne d’eau, par l’intermédiaire d’un bullage adéquat qui permet d’avoir un courant doux.
    Mes premiers essais se sont soldés par des grosses pertes du fait de l’utilisation de bacs classiques rectangulaires. Les alevins se font piéger dans les angles de l’aquarium et ne se nourrissent plus. Rapidement les plus faibles se retrouvent piégés dans la tension de surface ou dans le ménisque sur les côtés de l’aquarium. Les alevins pipent de l’air et se retrouvent à la surface sans pouvoir s’alimenter.
    Le premier objectif est de voir évoluer les alevins dans la colonne d’eau. Cette espèce est pélagique durant les premiers jours et aucun décor n’est nécessaire.
    Le Kreisel peut être fabriqué facilement par l’intermédiaire d’un seau de sel ou d’un tube PVC de suffisamment grand diamètre et placé à l’intérieur d’un aquarium. Les meilleurs Kreisels sont peu profonds et ronds, tels que des seaux en plastique. Une filtration sur une paroi du Kreisel peut être réalisée par l’utilisation d’un filtre à maille fine. Le maillage doit être suffisamment petit pour éviter le passage des larves. Il ne faut aucune aspérité au niveau du bac d’élevage au risque de voir les larves s’abîmer ou se faire coincer.

    hippocampe reidi
    Kreisel intégré dans un bac.
    hippocampe reidi
    Kreisel maintenu en eau verte ou avec une filtration mousse.
    hippocampe reidi
    Cylindre maintenu en eau verte avant introduction des alevins.

    Je me suis orienté vers un grand vase cylindrique d’une quinzaine de litre que l’on trouve dans toutes les animaleries. Ce vase n'est pas aussi performant que le Kreisel en terme de circulation d’eau mais il a l’avantage d’être rond, transparent et de ne pas présenter d’aspérité. En mettant le tuyau à air sur un bord j’obtiens une circulation d’eau suffisante pour maintenir les proies en mouvement dans la colonne d’eau. La turbulence de l’air casse également la tension superficielle de l’eau et permet aux alevins de prospecter dans la totalité du bac.
    La quantité de nourriture joue un rôle primordial sur le fait que les animaux se retrouvent dans la colonne d’eau et non en surface.

    hippocampe reidi
    H.reidi en mésocosme en présence de zooplancton.
    hippocampe reidi
    H.reidi en mésocosme en présence de zooplancton.

    La taille du Kreisel n’est pas si importante. Tout réservoir de larves doit être assez petit pour concentrer la nourriture, mais assez grand pour être stable. La clé étant le nombre de proies disponibles par larves et par millilitre. On peut utiliser un réservoir autonome avec un niveau d’eau faible pour commencer. Il est également possible de mettre le bac d’élevage larvaire dans le réservoir des géniteurs.
    La densité est d’environ une vingtaine de larves par litre. Je maintiens ces animaux dans le bac cylindrique durant environ un à deux mois, mais cela dépend de la compétition entre les individus. Les animaux les plus grands seront transférés dans un bac classique au fur et à mesure de leur croissance.

    2.1.2. Paramètres des bacs d’élevage

    Les paramètres du bac d’élevage influent considérablement sur la mortalité et le développement des alevins. L’ammoniac et les nitrites sont mesurés très fréquemment afin de pouvoir intervenir rapidement. Le milieu à base de phytoplancton permet de maintenir une qualité d’eau correcte. Toutefois, suivant la quantité d’hippocampe et de nourriture, la réponse des algues se fait sur un laps de temps trop important. Le volume restreint sur lequel je travaille ne permet pas à l’algue de répondre rapidement à une pollution brutale.

    Afin de palier à cela, je réalise des changements d’eau quotidiens, entre le tiers et la moitié du volume en fonction du nombre d’alevin.
    Les changements d’eau constituent un impératif absolu. Ils contribuent à l’apport d’éléments  et d’autre part, ils assurent l’élimination des déchets de nature diverse : fèces, résidus alimentaires…Ainsi, face à toute évolution défavorable du milieu du fait d’un apport d’intrant élevé et fréquent, le recours aux renouvellements d’eau s’impose pour rétablir l’équilibre biologique.

    La température et la salinité sont des facteurs importants à contrôler car ils jouent un rôle important sur la survie et la croissance des poissons. Avec les H. reidi je maintiens une salinité relativement basse, aux alentours de 32 g/L et une température de 24°C. Cela permet aux alevins une moins grande dépense d’énergie et ils ont moins tendance à monter à la surface et donc à piper de l’air.

    H. reidi âgés de 2 jours.
    H. reidi âgés de 20 jours.

     

    2.3. Alimentation

    hippocampe reidi
    H. reidi à 10 jours dans un bac chargé de zooplancton.

    En règle générale l’approvisionnement quotidien en nourriture vivante est le premier facteur limitant l’élevage des larves. La méthode de production en masse de proies animales vivantes est primordiale. L’objectif étant en plus, de disposer d’un système de production d’une gamme de taille large, entre 50 µm au début, jusqu’à quelques millimètres par la suite sur le long terme, c'est à dire sur plusieurs mois. Les alevins sont maintenus dans de l’eau verte à base de Nanochloropsis ou de Tetraselmis afin d’essayer de maintenir un mésocosme. Le bac d’élevage est éclairé au début 16H heures par jour afin que le phytoplancton se développe au maximum. Toutefois, il est difficile de maintenir un équilibre, c’est pourquoi j’ajoute régulièrement du phytoplancton. Le bénéfice de l’ajout de phytoplancton a déjà été discuté dans l'article Il était une fois... la reproduction des poissons marins - Partie I. D'une façon générale cela permet à la fois de maintenir de bons paramètres et d’enrichir le zooplancton présent. Le zooplancton est introduit en grande quantité deux fois par jour. Pour cela je filtre entre 40 et 50 litres de zooplancton, ce qui représente environ 20 000 copépodes par jour, pour une grosse trentaine d’hippocampes soit environ 650 copépodes par jour et par hippocampe. L’ajout d’une quantité importante de zooplancton d’un seul coup permet de limiter la concurrence entre les alevins. Les larves chassant à vue, l’utilisation d’une photophase longue de 16 heures d’éclairement par cycle de 24 heures et le choix de proies colorées, permettent d’augmenter la capture.

    2.3.1. Rotifères et les copépodes

    hippocampe reidi
    H. reidi âgés de 3 semaines dans un bac d'élevage.

    La production et la culture du zooplancton ont déjà été longuement expliquées dans la première partie sur la reproduction des poissons clowns. La base reste la production de phytoplanctons différents afin d’avoir un maximum d’éléments issus du métabolisme des algues, nécessaires à l’enrichissement du zooplancton.

    Les hippocampes ont de faibles réserves à la naissance et s’ils ne sont pas nourris rapidement, ils meurent.

    Pour aller plus loin

    Contrairement à la plupart des vertébrés terrestres les poissons sont incapables de synthétiser des HUFA (acides gras hautement insaturés) (voir : l'article Il était une fois la reproduction des poissons marins). Bien qu’il existe maintenant sur le marché un certain nombre de produits d’enrichissement destiné à élever les niveaux d'HUFA chez les artémia et autres nourritures vivantes, l’utilisation de copépodes permet d’avoir un meilleur taux de survie (Kraul et al. 1991, Payne and Rippingale 2000). Ceci suggère que, soit les proportions d'HUFA ne sont pas atteintes par l’enrichissement seul, soit qu’il existe d’autres facteurs affectant la croissance et la survie des poissons élevés avec des copépodes, par rapport à ceux élevés avec les artémias. Cette dernière hypothèse est étayée par une expérience menée par Payne et al (1998) dans laquelle deux groupes de syngnathes Stigmatopora ont été élevés avec des copépodes contenant des niveaux AGHI haut et bas. Aucune différence dans la croissance ou la survie n’a été observée.

    Lors de mes premiers essais d’élevage des alevins de H. reidi, j’ai vu que l’utilisation de copépodes était primordiale dans le taux de réussite. Payne et Rippingale (2000) ont montré qu’ils avaient un taux de survie significativement plus élevé avec les hippocampes (Hippocampus subelongatus) nourris aux copépodes que ceux élevés avec des artemias enrichies avec du Super Selco ™.

    De plus, l’utilisation précoce des copépodes a eu un impact positif sur le développement larvaire. Les premiers jours j’introduis dans le bac d’élevage, des rotifères enrichis en acides gras (environ 10 rotifères par millilitre). Ces derniers sont plus facilement capturés par les alevins que les nauplii de copépodes qui nagent trop vite. Cette nourriture est enrichie à base d’algue (Nanochloropsis, Tetraselmis) et de Super Selco ™. L’utilisation de nourriture enrichie permet une croissance accélérée des juvéniles. Puis, rapidement lors de la première semaine, seules les nauplii de copépodes sont distribuées (filtration au travers de deux tamis entre 50 µm et 125 µm). Durant les premiers jours je ne donne que des nauplii de copépodes car les adultes sont trop gros : les jeunes hippocampes semblent être distraits par les individus plus grands encore trop rapides pour eux.

    J’utilise le copépode Tigriopus brevicornis parce qu’il est simple à élever et parce qu’il présente une tolérance importante vis-à-vis de l’évolution des conditions du milieu. De plus, on peut l’élever en mélange avec les rotifères. Le fait que ce copépode soit benthique à l’état adulte est moins problématique que pour les alevins d’autres espèces de poissons. Les juvéniles d’H. reidi peuvent attraper les adultes sur les parois du bac d’élevage sans problème.

    Si les hippocampes sont bien nourris et avec suffisamment de nourriture, ils ne devraient pas flotter. En effet, lorsque la nourriture vient à manquer les alevins pipent de l’air à la surface, ce qui les fait flotter et entraîne la mort. Cette première semaine est une phase critique sur la réussite de l’élevage. L’alimentation des juvéniles à base de copépodes est la difficulté majeure dans l’élevage des hippocampes. Très rapidement, après la première semaine, on assiste à une différenciation au niveau de la taille entre les alevins ce qui traduit une compétition importante entre les larves.

    hippocampe reidi
    H. reidi âgés de 1 mois, consommant des copépodes.
    H. reidi âgés de 45 jours.

     

    2.3.2 Artémias

    Le passage aux nauplii d’artémias est l’une des phases critiques qui va contribuer ou non à la réussite de l’élevage de H.reidi. La première question que l’on doit se poser est : quand est-ce que l’on peut passer aux nauplii d’artémias, c’est-à-dire vers quel âge ? La réponse est simple : le plus tard possible !

    Les alevins initialement ne disposent pas des enzymes nécessaires à la digestion des nauplii d’artémia. Ils ingèrent les artémias mais ne les digèrent pas, on retrouve même les nauplii vivantes après un parcours rapide dans l’intestin des alevins. La taille de l’appareil digestif très court, ainsi que l’absence d’enzyme ne doit pas permettre la digestion de l’animal.
    Lorsque l’élevage de copépodes n’est pas suffisant on est obligé de passer aux nauplii d’artémia, par exemple au bout de 15 jours. La sanction n’est pas immédiate mais intervient irrémédiablement au deuxième mois. Les alevins de H. reidi meurent en grand nombre à partir du 60ème jour si la nourriture dans les premières semaines ne leur convient pas. J’ai ainsi perdu des lots entiers après 60 jours de croissance, du fait d’être passé trop vite aux artémias. Si c’est possible, il vaut mieux ne commencer l’alimentation en artémia qu’à partir du 45ème jour. Shields et al en 1999 ont montré que les copépodes sont supérieurs aux artemias enrichi comme nourriture pour les larves de flétan en terme de survie et de développement qui peut s'expliquer par un un niveau de DHA plus élevé. Bien sûr pour cela il faut avoir la capacité de maintenir une densité de copépodes importante et cela sur plusieurs semaines. Afin de ne pas mettre tous les œufs dans le même panier, j’élève le zooplancton dans plusieurs seaux.. De ce fait, j'ai chaque jour un ou plusieurs seaux ayant une bonne densité en copépodes (2 à 3 par ml) soit environ 30 000 individus par seau de 15 litres.

    hippocampe reidi
    Fratrie de jeunes H. reidi dans le bac d'élevage.

    De même, la transition entre copépodes et artémia ne doit pas être brutale. Celle-ci doit s'étaler sur 15 jours au minimum, avec par la suite un apport hebdomadaire de copépodes.

    Cette période de transition va permettre aux plus gros alevins de se développer plus particulièrement sur les nauplii d’artémias en jouant sur l’ordre d’ajouts des aliments. Mes différents essais ont montré que l’optimisation de l’alimentation des larves, en termes de séquence alimentaire, ration alimentaire et fréquence d’alimentation, est très important aussi bien au niveau de la mortalité qu’au niveau de la croissance des juvéniles. Le principe est la réalisation d’une alimentation en surabondance, fractionnée dans le temps (3 repas journaliers sur le premier mois) et d’un chevauchement des différents régimes à base de rotifères, copépodes et artémias.
    Sur un volume de 15 litres, avec de fortes concentrations en copépodes et un apport très régulier j’arrive à développer une trentaine d’hippocampes. Soit un taux de survie variant entre 15 % et 25 %. Les artémias doivent également être triées selon leur taille. Malgré le phytoplancton dans le bac d’élevage, elles ne sont pas suffisamment nutritives du fait des mues successives qui leurs demandent beaucoup d’énergie. Elles sont donc retirées à chaque changement d’eau et remplacées par des nauplii enrichies.
    La méthode d’enrichissement des nauplii d’artémias est celle décrite par Wolfang Mai évoquée dans l'article Reproduction des-poissons marins partie 2. Les nauplii sont filtrées à travers un tamis de 125 µm et concentrées vivantes dans un ramequin. Quelques gouttes d’un liquide d’enrichissement sont placées dans ce milieu. Le tout est stocké 24 heures au frigo. Les nauplii, du fait de la température, ne muent pas mais continuent à s’enrichir au travers de la solution riche en acides gras. Les nauplii sont filtrées, afin d’éliminer le milieu nutritif restant, sans être rincées. Cette opération est effectuée une fois par jour mais la distribution de nourriture est réalisée sur plusieurs heures.

    hippocampe reidi
    H.reidi âgés de 2 mois et demi.
    hippocampe reidi
    H.reidi âgés de 3 mois.
    H. reidi âgés de 2 mois et demi.
    H. reidi âgés de 2 mois et demi.

    C’est à partir du 25ème jour que les alevins recherchent un support pour se fixer afin de se reposer. Ce dernier est réalisé simplement par une grille rigide en plastique dont la maille est de 1 cm sur 1 cm.

    Les alevins les plus grands sont transférés dans un bac de grossissement à partir du 60ème jour. Même si la phase la plus critique est passée il faut rester très attentif. Les nauplii d’artémia sont toujours données chaque jour en quantité aux juvéniles. Un élevage de quelques jours permet, dans de bonnes conditions, d’obtenir des proies plus grosses et de disposer d’une gamme de proies mieux adaptées à la croissance des juvéniles. Dans ce cas un enrichissement, à faible dose pour ne pas « brûler » les nauplii est réalisé directement dans le milieu de culture. Cet enrichissement est réalisé à base d’algues (Nanochloropsis, Tetraselmis, Isochrysis), de produits d’enrichissement et de spiruline en poudre. Il est important de vérifier que les artémias sub-adultes soient bien enrichies. Pour cela le tube digestif doit être coloré. Les artémias pré-grossies constituent un aliment plus équilibré sur le plan nutritionnel que les nauplii juste écloses, très riches en lipides. L’obtention d’artémias sub-adultes en quantité importante est difficile à obtenir du fait de la gestion de la pollution du milieu lors de l’enrichissement.

    Le développement des juvéniles se déroule dans un bac plus grand, d’un volume de 40 litres relié à une filtration classique (filtration mécanique et filtration biologique). Suivant le nombre d’hippocampes, la compétition dans ce bac peut être importante. Il est possible de les séparer en lots en introduisant des grilles rigides.

    2.3.3. La nourriture congelée

    H.reidi âgés de 3 mois.

    Le passage à la nourriture congelée est également une étape difficile. La transition avec la nourriture inerte ne doit pas être brutale. La culture de mysis vivantes facilite ainsi ce passage. En effet, les hippocampes ne sont pas adaptés à manger de la nourriture morte. Le comportement face à ce type de nourriture est extrêmement variable en fonction des individus. Parfois, certains individus ne prennent des proies qu’en pleine eau. D’autres attendent de longues minutes au-dessus de la proie avant d’essayer de l’attraper, ce qui met à rude épreuve les nerfs de l’éleveur. Enfin, certains individus plus difficiles choisissent des proies très particulières (présence de la tête obligatoire par exemple). La capture de la proie inerte est toujours maladroite au début et les juvéniles doivent souvent s'y reprendre à plusieurs fois.
    Dans la majorité des cas il suffit que certains individus s’intéressent aux proies inertes au début pour entraîner toute la cohorte.
    Il est très important d’avoir des mysis de qualité c’est-à-dire entières, bien formées, de couleur claire (une couleur foncée traduit le plus souvent une oxydation de l’aliment). Afin de rendre la nourriture plus appétissante, on peut trier des morceaux de choix, d’une gamme de taille variable, en fonction de la taille des juvéniles et introduire après décongélation quelques gouttes de vitamines (hydrosol polyvitaminé) sur la nourriture. Les mysis ne seront distribuées que lorsque le produit aura imprégné correctement la nourriture (attendre une demi-heure avant la distribution).

     

    2.4. Maladies et parasites

    Les hippocampes sont très sensibles aux organismes urticants qui peuvent causer des brûlures parfois irréversibles. De plus, ces lésions peuvent être une porte d’entrée à d’autres parasites tels que les Vibrio.

    • Les hydres sont des petits organismes qui peuvent arriver avec les œufs des artémias. Le cycle biologique est en partie libre et en partie fixé sur le substrat. Ces dernières se nourrissent d’artémias. Lorsqu’elles forment de grandes colonies elles peuvent brûler voire tuer des alevins. Le procédé de décapsulation des artémias permet d’éliminer ces organismes.
    • Les Aiptasia représentent également un véritable fléau, aussi bien pour les alevins que pour les adultes. Les anémones brûlent les hippocampes et les plus jeunes peuvent mourir. De plus, elles se développent très rapidement avec les nauplii d’artémias.
    • Les vers de feu ainsi que les petites ophiures présentent en trop grande quantité peuvent également causer des dégâts importants. L’absence de sable permet de limiter la prolifération de ces organismes car on peut éliminer facilement le surplus de nourriture ainsi que les déchets.

    Les Vibrio spp. sont des bactéries très fréquentes dans l’élevage des hippocampes et entraînent une mortalité importante à cause de la faiblesse du système de défense des larves. Les charges bactériennes sont certainement très faibles au début de l’élevage car à ce stade, le milieu est encore stable grâce à l’absence d’apport d’intrants (nourriture, …). A partir de 4 semaines d’élevage l’apport d’intrants est très élevé et très fréquent. La présence de fèces et les restes d’aliments favorisent la multiplication des bactéries.

    hippocampe reidi
    Micro-organismes présents dans les fèces des hippocampes.

    L’observation des fèces sous loupe binoculaire permet de visualiser une partie des micro-organismes présents dans le bac d’élevage. Afin d’éliminer le maximum de ces organismes le bac d’élevage est nu et les déjections sont éliminées tous les jours par filtration.
    Toutefois, la charge bactérienne est réellement maîtrisée de part la réalisation d’un vide sanitaire rigoureux. Le vide sanitaire est nécessaire afin d’éliminer les micro-organismes (bactéries, virus et parasites) existants dans le milieu.
    Toutes les 3 semaines l’aquarium est vidé et je procède à un nettoyage et une désinfection à base d’eau de javel. Cela permet de réduire simplement la charge microbienne dans le bac d’élevage car tout le système n’est pas désinfecté : les réseaux d’air ou d’eau ne sont pas chlorés. Cela est toutefois suffisant pour ne pas avoir de pertes conséquentes.

    Pour aller plus loin : vibrio

    Les Vibrios appartiennent à la famille des Vibrionaceae qui sont des bacilles en forme de virgules. La température optimum de croissance varie entre 28 et 37°C selon les espèces. Toutes les espèces sont aéro-anaérobies facultatives avec un métabolisme respiratoire oxydatif en aérobiose et fermentatif en anaérobiose.

    Certains de ces bactéries peuvent produire des toxines qui engendrent une nécrose de l’épiderme de la cellule. Ces bactéries pathogènes ou pathogènes opportunistes produisent des infections généralisées des larves et provoquent la mort.
    Les Vibrio se multiplient sur les algues et les aliments en excès dans les conditions d’anaérobie. Il existe un seuil critique de pathogénicité au-dessus duquel les bactéries deviennent virulentes

    Ainsi sous binoculaire on peut observer dans les fèces un cortège de petits organismes comme des protozoaires qui se développent au sol, sur la litière en décomposition de l’aquarium. Les études portant sur l‘analyse épidémiologique de maladies infectieuses tendent généralement à rechercher un agent pathogène responsable et à caractériser la réponse de l‘hôte à une unique source pathogène. Les approches développées récemment en patho-immuno-écologie rendent de plus en plus compte de l‘importance de considérer certains phénomènes pathologiques dans un contexte dynamique d‘évolution et d‘écologie. Ceci apparaît d‘autant plus important que les hippocampes sont directement soumises à des paramètres environnementaux biotiques variables.

     

    2.5. Recommandations

    Lors des tentatives d’élevage, on a tendance à conserver le maximum d’alevins afin de maximiser nos chances de réussite. Mais, d’une façon générale, il est admis que l‘intensification des systèmes de production a tendance à augmenter la gravité et la fréquence des maladies infectieuses. En plus de la diminution des taux de survie dans les élevages, conduisant à l’élimination d‘une partie ou de la totalité des cheptels, les maladies infectieuses peuvent également jouer un rôle sur la croissance des animaux et sur leur aspect physique. Il n’est pas rare de voir des animaux perdre des vertèbres de la queue lors d’une attaque de Vibrio.
    L‘amélioration de nos pratiques zootechniques peut permettre d‘optimiser les conditions environnementales auxquelles sont soumis les élevages et diminuer les stress ou les pressions pathogéniques en élevage. Par exemple, le contrôle de la température peut limiter ou empêcher le développement d’agents pathogènes. L’entretien courant de l’élevage par les interventions mécaniques, le changement d’eau, le siphonage... limitent les risques d’apparition ou le développement des bactéries pathogènes.

    Ainsi, la croissance des alevins pendant les 4 premiers mois de grossissement dépend étroitement de la capacité de l’éleveur à maintenir des conditions adéquates du milieu et à fournir un aliment de qualité distribué à une fréquence précise et en quantité suffisante.

    Il me semble important d’insister sur le fait qu’un élevage d’hippocampe nécessite une bonne coordination des différentes phases de l’élevage (élevage des proies associées en fonction de la taille, enrichissement, gestion de l’eau) et impose une gestion sanitaire rigoureuse.

    Schéma1 : Synoptique simplifié de l’élevage d'Hippocampus reidi
    hippocampe reidi

     

    2.6. Conclusion

    Plus de 20 millions d’hippocampes sont négociés dans le monde chaque année et tout porte à croire que les ventes d’hippocampes sont à la hausse. Bien que la grande majorité d’entre-eux est destinée à être utilisés dans la médecine traditionnelle chinoise, un nombre important est également prisé pour le commerce des aquariums.

    hippocampe reidi

    D’une façon générale, la famille des Syngnathidae est menacée par une collecte importante et par la destruction de leur habitat. Ces espèces ont une dispersion limitée et la fragmentation des habitats induit une diminution du nombre d’individus. Les hippocampes sont sensibles à la modification de la température et aux polluants. Les habitats préférés sont les estuaires et les zones côtières où se déversent différents polluants (Borum 2003).
    La plupart des hippocampes n’ont pas été élevés en captivité et le développement de l’élevage devrait être encouragé. Des améliorations récentes ont permis leur production commerciale.

    L’intérêt du public pour ces animaux aux formes particulières alimente une curiosité quasi mythique qui peut contribuer à terme à sa disparition. En plus de leur morphologie inhabituelle, la biologie des hippocampes est tout aussi fascinante vis-à-vis du grand public (cour élaborée, espèce plutôt monogame, grossesse masculine). Il est possible d’éduquer le grand public sur la protection des habitats et sur la compréhension de ces animaux. Les aquariums publics sont non seulement une vitrine mais aussi une ouverture à l’instruction du public. Au travers de ce modèle il est possible d’échanger sur les habitats en danger : les estuaires, les mangroves, les récifs et les herbiers.

    C’est pourquoi l’élevage d’une telle espèce est si important et les aquariums publics s'avèrent un lien éducatif important privilégié avec le grand public. La reproduction en captivité peut ainsi réduire l’impact sur les populations sauvages dont la demande est toujours croissante.

     

    2.7. Références bibliographiques

    2.7.1. Publications

    Azzarello M., 1991, Some questions concerning the Syngnathidae brood pouch. Bulletin of Marine Science 49(3):741-747.
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    2.7.2. Sites Internet

    Olivier SOULAT

    Article publié par Cap Récifal le 16 aout  2013 avec l'aimable autorisation de l'auteur.

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