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  • Reproduction du poisson-clown Amphiprion ocellaris


    olivier26
    • Le développement de la reproduction des poissons marins nécessite de faire des progrès dans les méthodes d'élevage en captivité. Après la première partie Constitution d'une chaîne alimentaire, cette seconde partie présente les détails d'un protocole que nous avons utilisé pour l'élevage des poissons-clowns.

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    La reproduction des poissons-clowns est l'une des plus faciles en eau de mer, tout étant relatif, après celle de certains poissons dont les larves acceptent directement les nauplii d'artémias (Pterapogon kauderni). La larve de poisson-clown est en effet assez grosse, en comparaison avec d'autres poissons du récif. Une attention particulière doit être apportée les 15 premiers jours ; après cette période cruciale, la maintenance est plus aisée. Cet élevage va permettre la mise en place d’une partie de la chaîne alimentaire nécessaire au développement des alevins. La grande difficulté est l'obtention de nourriture adéquate au bon moment et en quantité suffisante.

    Cet article n'a pas pour but de décrire les poissons-clowns ou la relation qu'ils entretiennent avec leurs hôtes, les anémones, mais juste d'exposer une des méthodes pour en faire l'élevage.

    1. Couple reproducteur

    Le point de départ est d’obtenir un couple. Les poissons-clowns sont hermaphrodites protandriques, c'est à dire que tous les poissons sont de sexe mâle à la naissance et, suivant les relations hiérarchiques, le dominant devient femelle. En associant deux jeunes poissons on aura forcément un couple dont le dominant, plus gros, sera la femelle. Les poissons-clowns peuvent être maintenus dans un bac communautaire avec d'autres poissons. Étant de piètres nageurs, ils se réfugient souvent au sein de leur anémone ou dans un corail de substitution (Sarcophyton, Ricordea, Euphyllia...). Il est souvent conseillé de maintenir un seul couple dans un bac car ils peuvent être agressifs avec leurs congénères, comme c’est le cas avec Amphiprion clarki.

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    Couple d'Amphiprion ocellaris..

    Nous disposons d'un couple d’Amphiprion ocellaris depuis maintenant 5 ans et ces derniers se sont reproduits après quelques mois d’aquarium seulement, car le couple était déjà formé. Les poissons-clowns peuvent se reproduire dès l'âge de deux ans. Le couple a adopté rapidement une anémone Entacmea quadricolor, bien qu'elle ne soit pas leur anémone naturelle (pas sur la même aire de répartition).

    L’alimentation du couple reproducteur est très importante dans l’élevage car elle joue un rôle prépondérant sur la santé des parents, sur la période entre deux pontes, sur le nombre et la qualité des œufs. Plus les nourrissages seront fréquents et de qualité, plus la ponte sera belle, avec des larves viables et en bonne santé. Une étude (Callan, 2007) a montré que des Centropyge loriculus nourris avec un régime contenant des acides gras hautement insaturés (HUFA) présentaient un niveau de fécondité et un taux de viabilité des embryons, supérieurs à ceux nourris avec des rations à faible teneur en HUFA.

    Les poissons-clowns se reproduisent toute l’année en fonction notamment de la nourriture, de la qualité de l’eau et de la température. Suivant les conditions, ils peuvent pondre tous les 10 à 16 jours. Nous avons observé dès deux mois une nette différence sur la quantité et la qualité des œufs en proposant, en plus de l’alimentation habituelle, une nourriture très riche basée sur un mélange finement broyé de moules (crues), de calmars (crus), de crevettes et de gambas (cuites), d'huile de poisson et de vitamines. Ce mélange est placé au congélateur et distribué tous les soirs. Il présente l’inconvénient d’être très polluant et il vaut mieux disposer d’un système biologique et technique capable d’absorber rapidement les déchets.

    Certaines espèces sont plus difficiles à faire pondre. Nous disposons également d’un couple d’Amphiprion ocellaris noirs depuis plusieurs années et qui ne pondait pas. Afin d’y remédier, de nombreuses pistes ont été testées :

    1. niveau de stress : pendant 6 mois, seuls dans un bac de 300 l (récifal) avec une anémone ;
    2. puis au contraire introduction d’un autre couple d’ocellaris orange afin de provoquer la ponte par concurrence ;
    3. nourriture abondante et variée : mix décrit plus haut, astanxanthine, œufs d'oursins, artémias vivantes plusieurs fois par jours ;
    4. augmentation de l’éclairage (passage à 14 heures/ jour ;
    5. augmentation de la température.

    Actuellement ce couple pond et les premières tentatives d'élevage des larves vont avoir lieu. Enfin, il n'en reste pas moins que la qualité génétique du couple est prépondérante pour la reproduction.

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    Bac communautaire avec un couple d'Amphiprion ocellaris noirs surveillant son anémone Entacmea quadricolor.

    2. Déroulement des pontes

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    La zone de ponte est dégagée.

    Les poissons-clowns pondent sur un substrat à proximité de l'anémone. Quelques jours avant la ponte, le couple change de comportement et s'active à nettoyer la surface sur laquelle il va pondre. Il devient également plus agressif envers les autres poissons passant à proximité ou avec l'aquariophile lui-même. La femelle a l'abdomen enflé et l'oviducte de plus en plus sorti à l’approche du jour de la ponte. Celle-ci a lieu en principe dans l'après-midi et dure en moyenne une heure.

    Pour aller plus loin

    Certains couples ne pondent pas. Il existe bien sûr des conditions génétiques et/ou physiologiques qui induisent ou non la ponte. Toutefois, certaines conditions peuvent favoriser la ponte et en améliorer la qualité :
    - l'anémone, hôte naturel, offre une excellente protection contre les prédateurs et il est très probable que cela joue sur la reproduction ;
    - le bac avec un récif communautaire doit également stimuler la reproduction (diminution du stress, apport au niveau de la diversité de la microfaune comme alimentation potentielle) ;
    - la qualité et quantité de la nourriture (niveau élevé d'acides gras) ;
    - la distribution fractionnée de la nourriture ;
    - la nourriture vivante ;
    - la salinité plus faible ;
    - la température élevée ;
    - le potentiel redox élevé.

    Le mâle aura auparavant pris soin de mordre les tentacules de l'anémone afin qu'elle se rétracte d'un côté, libérant ainsi le substrat sur lequel la ponte sera réalisée. La femelle dépose les œufs et le mâle passe directement derrière pour les féconder. Le nombre d'œufs est estimé à environ 500 œufs par ponte, mais il peut varier nettement en fonction de la nourriture distribuée aux adultes.

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    Le mâle ventile les oeufs..

    Le mâle a la charge de protéger, de ventiler et de nettoyer les œufs. Il est parfois agressif envers les poissons s’approchant de la ponte. La femelle est plus distante une fois la ponte réalisée. Les œufs vont changer de couleur, passant de l’orange vif au brun. Ils sont ovales et de taille d’environ 2 mm de long. Dès le 2ème jour, les œufs changent de couleur et à partir du 4ème jour leur enveloppe devient de plus en plus transparente. On peut voir se former les alevins à l'intérieur, au fur et à mesure que l'on se rapproche de l'éclosion. Le développement des œufs est étroitement lié à la température de l'aquarium. A une température de 27 °C, il faudra 8 jours avant l’éclosion alors que 7 jours suffiront à une température de 28 °C. Nous avons parfois observé un étalement de la ponte sur deux jours, lorsqu'il y a des variations importantes de la température dans la journée.

    Quelques heures avant l'éclosion, les parents écartent les tentacules de l’anémone au-dessus des œufs. L'éclosion a toujours lieu la nuit, 1 à 2 heures après extinction des feux et constamment dans l'obscurité. Une lumière trop violente dirigée sur la ponte peut provoquer la perte des œufs. Il n'est pas rare de voir le mâle manger sa ponte quand les œufs ne sont pas viables. Cela arrive souvent lors des premières pontes ou lorsque la nourriture des parents n'est pas assez riche. Les parents pondent actuellement tous les 14 jours en moyenne. Durant l'année, nous n'avons pas observé de périodes de ponte plus importantes.

    Ponte d'Amphiprion ocellaris
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    J0 : Jour de ponte
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    Évolution d'une ponte d'Amphiprion ocellaris, prises de vue toutes les 24 heures (Température moyenne : 27 °C)

    3. Capture des larves

    Il est illusoire de prétendre réussir un élevage de poissons-clowns dans un bac communautaire. Il faut un bac spécifique et prévoir de capturer les larves. Par expérience, en notant la date de la ponte et la température de l'eau, on calcule facilement le jour de l'éclosion, où il faudra être prêt. Le plus simple est bien-sûr de maintenir le couple reproducteur dans un bac spécifique sans décor avec juste un abri (vase en terre cuite) leur servant de support de reproduction. Mais le plus souvent le couple se situe dans un bac communautaire et évidemment, la difficulté réside dans la récupération des larves. Pour cela plusieurs méthodes (Tableau 1) peuvent être utilisées :

    • On peut utiliser un support amovible sur lequel les poissons-clowns vont pondre. Nous utilisons des morceaux de tuile en terre cuite (ou des vases). Ce support assez plat présente de très légères aspérités, idéales pour que la ponte se colle au support. Bien-sûr, il faut une certaine obstination pour faire accepter ce support au couple. Au début, les poissons refusent le support et le poussent violemment, mais après quelques semaines ou mois, ils finissent par accepter la tuile placée sous l'anémone ou le corail de substitution. Quelques heures avant l'éclosion, il suffit simplement de retirer le support avec les œufs pour les introduire dans un bac d'élevage. L'opération doit se dérouler sans que les œufs ne sortent de l'eau. De plus, l'eau du bac d'élevage doit être strictement identique à celle du bac des géniteurs et si possible à la même température. Afin de favoriser l'éclosion dans le bac d'élevage, un bulleur aère énergiquement la ponte. Les œufs doivent toujours être en mouvement, sous peine d'avortement de la ponte.
    • Les œufs peuvent être directement récoltés en les décollant délicatement du substrat. Mais ce travail est long et fastidieux. Il faut prendre une paille en plastique, la connecter à un tuyau et couper l'autre extrémité en biseau avec un angle d'environ 45°. Ensuite, très délicatement, il suffit de sectionner un par un les œufs au niveau du fil d'attache sur le substrat et de les siphonner dans un réceptacle adéquat. Il faut s'attendre également à ce que les parents défendent leur ponte. Les œufs sont ensuite placés dans le bac d'élevage.
    • Il est possible de récupérer les larves après éclosion. Dans ce cas, les larves attirées par la lumière (phototrophes) peuvent être capturées par l'intermédiaire d'un récipient (verre). Cette opération est longue et nécessite beaucoup d'eau.
    • Le siphonage des larves est une opération plus rapide mais le stress occasionné par la technique de pêche se traduit par de fortes pertes.
    • Enfin il est possible d'utiliser un récupérateur ou piège à larves (photos ci-dessous). Les larves sont phototrophes. Nous utilisons actuellement un piège à larves qui nous donne satisfaction, même si le nombre de larves récupérées est moindre que lorsque la ponte est déplacée avec le support. Plusieurs essais sont nécessaires pour réaliser ce piège et perfectionner la technique. Le piège est constitué d'une boite en plastique dans laquelle une paroi en plexiglas, ajourée par un tamis, a été insérée pour que les larves ne passent pas dans le deuxième compartiment. Dans ce deuxième compartiment une pompe jette l'eau à l'extérieur assurant ainsi une aspiration de l'autre côté par l'intermédiaire d'un perçage sur le côté de la boite (on peut le faire également en dessous, mais du fait de la taille des coraux du bac nous avons préféré le faire sur le côté). Un tuyau se terminant par un entonnoir englobe la ponte à quelques centimètres de cette dernière. Une lumière située au dessus du tuyau collecteur permet d'attirer les larves et le courant amènera les alevins dans le piège. Ce système permet de capturer tous types de larves (crevettes, etc.).
    Tableau 1. Incidence des différentes méthodes de capture des larves sur le taux de réussite.
    Méthode Type de
    prélèvement
    Inconvénients Avantages Taux de réussite estimé
    Récupération des oeufs Ponte avec le support - aération importante de la ponte : risque d'avortement (traitement éventuel) ;
    - éclosion partielle dans le cas de variation de la température ;
    - changement de milieu : prélèvement de l'eau du bac communautaire.
    - facile et rapide ;
    - pas de stress des larves.
    Très important jusqu'à 100 % dans de bonnes conditions.
    A l'unité - long et fastidieux ;
    - travail minutieux ;
    - brassage des œufs dans un système particulier à étudier.
    - prélèvement de tous les œufs ;
    - pas de stress des larves.
    Pas d'expérience mais éclosion certainement difficile à mettre en œuvre.
    Récupération des alevins
    dans le bac communautaire
    Dans un contenant - assez long malgré le phototropisme ;
    - volume d'eau parfois important ;
    - nombre de larves récupérées moyen à faible.
    - larves intactes ;
    - peu de stress ;
    - récupération uniquement des alevins si décalage d'éclosion.
    Elevé sur les larves récupérées (100 %).
    Siphon

    - risque d'abîmer les larves ;
    - stress important.

    - assez rapide ;
    - volume d'eau prélevé assez faible ;
    - récupération uniquement des alevins si décalage d'éclosion ;
    - nombre de larves récupérées plus élevé que précédemment.
    Moyen sur les larves récupérées, stress important, mortalité de 20 à 40 % selon les conditions.
    Piégeage - bricolage d'un système de capture des larves ;
    - tests avant la réussite du système.
    - facile et rapide,
    - récupération uniquement des alevins si décalage d'éclosion ;
    - faible volume d'eau prélevé.
    Très important jusqu'à 100 % des larves prélevées.

     

    Illustration 1. Piège à larves en fonctionnement
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    Vue de face
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    Vues de côté

     

    4. Élevage d'Amphiprion spp.

    4.1. Bac d’élevage

    Le bac d’accueil des larves doit être prêt à l'avance. Il ne nécessite pas un gros volume, de 20 à 60 litres et il est équipé des éléments suivants : chauffage, thermomètre, éclairage latéral, pompe à air. Le bac est nu, sans sable ni filtration, juste une aération. Le volume du bac doit être suffisamment grand pour accueillir les larves et ne pas entrainer de changements brusques des paramètres, mais pas trop pour conserver une densité de nourriture suffisante.
    Les parois de l’aquarium peuvent être recouvertes d’un film noir (sac poubelle par exemple) afin que les larves ne soient pas attirées par la lumière extérieure, leur comptage sur fond noir est cependant plus difficile (voir : pour aller plus loin). Le fond, sans sable et de couleur claire (le blanc du polystyrène), facilitera la vision des larves et l’aspiration des déchets. Un simple récipient en plastique (seau, poubelle) peut aussi servir de bac d’élevage.

    Pour aller plus loin

    Les bacs en verre rectangulaires sont actuellement utilisés pour la reproduction. Toutefois les cuves en plastique, rondes, présentent plusieurs avantages :
    - absence d'angles où les larves risquent d'être bloquées,
    - meilleure circulation du courant,
    - parois opaques, les larves ne sont pas influencées par l'environnement extérieur (lumière).

    Certains éleveurs ont développé des systèmes qui permettent d'améliorer le taux de survie. Le système Kreisel est un bocal à poisson modifié, utilisé au préalable pour la conservation des méduses. Le fait qu'il soit rond permet à l'eau de bien circuler et ce mouvement permet de maintenir les formes planctoniques en suspension. Ce système est très utilisé pour l'élevage des hippocampes car il évite notamment aux alevins de piper de l'air à la surface (« maladie de la bulle d'air »).

    Nos premières tentatives se sont traduites par des échecs. La première concerne la lumière qui doit diffuser sur un côté de l’aquarium et non par le dessus, sinon les larves attirées par la lumière montent et ne s’alimentent plus. Son intensité ne doit pas être trop élevée. Un éclairage trop directionnel est à éviter également, car les larves se déplacent vers le point lumineux et ne mangent plus. Les larves ne se nourrissent que lorsqu’elles visualisent la proie.
    Le deuxième échec concerne la température. En effet, sans chauffage, le bac d’élevage est un jour tombé à 20 °C et bien que les larves aient dépassé le 13ème jour, elles ne se sont pas métamorphosées. Lorsque je m’en suis aperçu, j’ai remis immédiatement le chauffage … qui s’est collé et le bac d’élevage est monté à 33 °C en 12 heures. Toutes les larves sont mortes. Sur de petits bacs, du fait d’une certaine inertie des chauffages (même avec des 50 W), il est difficile de stabiliser la température. La solution a été de mettre les chauffages sur minuterie. Par ce système on peut maintenir une température constante de 25 °C.

    L'aération est importante car elle participe à l'oxygénation du milieu et à mettre en mouvement les proies qui sont alors plus attractives. Des tests réguliers (nitrites, ammoniac, salinité...) permettent de s'assurer de la qualité de l'eau. Les nitrites ne doivent pas dépasser 0,1 mg/l. Les dérives peuvent être rapides après des mortalités importantes. Dans tous les cas, des changements d'eau de 20 % du volume sont effectués tous les jours avant de donner la nourriture. L'eau utilisée lors des changements est celle de l'aquarium communautaire car elle est beaucoup moins agressive que l'eau neuve.

    Il est possible de relier le bac d'élevage avec le bac communautaire, ou celui des parents s’ils sont isolés, afin de maintenir des paramètres convenables. On se trouve toutefois confronté à une dilution et un lessivage du zooplancton. Il faut prévoir un tamis de 60 µm pour éviter que le zooplancton ne s'échappe. Mais, dans ce cas, l'eau aura beaucoup de mal à passer car le tamis se trouve rapidement obstrué par le zooplancton et les autres déchets. Un essai a été réalisé en mettant une pompe sur minuterie et en proposant une grande surface de contact au niveau de la surverse ; le tamis s’est colmaté très rapidement. Le plus simple est donc d'utiliser un bac d'élevage séparé sur lequel on pratiquera des changements d'eau réguliers.

    4.2. Nourriture

    Pour aller plus loin

    Certains composés comme les pigments sont indispensables au développement des poissons. Ainsi la famille des caroténoïdes regroupe un peu plus de 600 pigments naturels qui sont produits majoritairement par le phytoplancton, les algues et les plantes. Ces pigments jouent un rôle prépondérant sur la variété de couleurs dans la nature. Les animaux ne les synthétisent pas et ils doivent être absorbés au travers de l'alimentation. Ces pigments sont par la suite transformés en d'autres caroténoïdes et incorporés dans les tissus.
    L'astaxanthine appartient à la famille des caroténoïdes. Le phytoplancton est consommé par le zooplancton ou par des crustacés comme le krill, qui accumulent l'astaxanthine et deviennent à leur tour la proie des poissons. L'astaxanthine apparaît comme un pigment rouge, mais lorsqu'il est complexé (lié au niveau moléculaire) avec des protéines différentes, le pic d'absorption de la lumière change et la couleur varie alors au vert, jaune, ou bleu.
    Les caroténoïdes ne jouent pas seulement un rôle sur la coloration des animaux, ces pigments ont aussi un rôle physiologique : antioxydant, renforcement de la fonction immunitaire, action hormonale, reproduction, croissance, maturation et photo-protection. Les pigments caroténoïdes semblent être indispensables à la maturation ovarienne et leur présence dans les œufs pourrait indiquer qu'ils y jouent un rôle de photo-protection, puisqu'ils sont à l'origine des pigments visuels des larves.
    Le métabolisme des pigments caroténoïdes est étroitement lié à celui des lipides et des acides aminés. Ces derniers permettent une meilleure accumulation de ces pigments dans les tissus (méthionine, isoleucine).
    Ainsi les caroténoïdes sont des nutriments essentiels dans les régimes aquatiques. Le béta-carotène est converti en vitamine A qui est indispensable à certains processus biochimiques, notamment au niveau de la croissance et du développement de l'animal. En général, les animaux en captivité sont nourris avec des régimes artificiels pauvres en astanxanthine. Seul le Cyclop-eeze présente un taux intéressant, toutefois actuellement on trouve des nourritures sèches à base d'astaxantine (Naturose...) qui sont fabriquées à partir d'une source naturelle provenant d'une algue : Haematococcus pluvialis.

    La phase d'élevage des larves durant les premiers jours est une période critique et se traduit souvent par une mortalité élevée. Cette mortalité est causée par l'inadéquation de la nourriture proposée aux larves. La larve d’Amphiprion sp. est pélagique et se nourrit activement en pleine eau de proies planctoniques. La qualité de l’alimentation, et plus particulièrement la composition en acides gras, influe sur la survie et la croissance des larves. L'adjonction au départ dans le bac d'élevage de phytoplancton (Nannochloropsis et Tetraselmis) a permis d'avoir un meilleur taux de réussite. Mais cette eau verte ne doit comporter ni élément polluant (restes d'engrais) ni nitrites. Les algues sont toujours incorporées lorsqu'elles sont en phase de croissance. Le phytoplancton est ajouté à l'eau des larves jusqu'à ce que l'eau devienne verte et que l'on ne distingue pratiquement plus la vitre du fond. En règle générale, cela correspond à environ 10 à 20 % du volume du bac selon la densité de l'algue. Par la suite, aucune algue supplémentaire n’est rajoutée. Le phytoplancton est filtré dans le bac d'élevage par les rotifères et ces derniers continuent à être de bonne qualité et donc appétants. De plus, le phytoplancton joue un rôle bénéfique sur la stabilité du milieu. Enfin, le phytoplancton filtre la lumière, ce qui permet aux alevins de se déplacer à mi-hauteur dans le bac. Les déchets et les cadavres sont soigneusement éliminés. Un changement d'eau de 10 à 20% du volume est réalisé chaque jour, au goutte-à-goutte pour éviter tout stress. L'algue est ainsi éliminée et l'eau redevient claire à partir du 4ème ou 5ème jour. Il est toutefois possible de rajouter de l'algue lors de ces changements d'eau afin de favoriser l'enrichissement du zooplancton.

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    PVC Ø 80 mâle, femelle et filtre 60 µm

    La distribution de la nourriture se réalise par l'intermédiaire de tamis. L'eau du zooplancton n'est jamais introduite dans le bac d'élevage des larves, du fait d'une pollution parfois importante due à la présence de substances enrichissantes dans le milieu de culture. Le zooplancton sera toujours enrichi avant d'être prélevé. Suivant l'organisme utilisé, l'enrichissement sera différent (voir Partie I : Constitution d'une chaîne alimentaire).

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    Tamis de différents maillages.

    Les tamis sont fabriqués avec des tubes PVC de différents diamètres (90, 125 ou 200 mm), les filtres sont fixés entre les parties mâle et femelle du tube, emmanchées en force. Les tamis de mailles différentes peuvent s'emboîter. Un tamis de 20 µm permet de filtrer tout le zooplancton, il ne laisse passer que le phytoplancton (sauf certaines bactéries et protistes). Ce tamis est utilisé pour récupérer une algue contaminée. Les tamis de 40 µm et 60 µm permettent de capturer les rotifères, les nauplii et les copépodites des copépodes ainsi que les adultes des copépodes Harpacticoïdes. Un tamis de 125 µm s’utilise pour filtrer les plus gros copépodes et les nauplii d'artémias.

    Enfin, d'autres tamis de 500 µm permettent de sélectionner les artémias adultes. Les toiles utilisées sont trouvées sur les sites internet. Sinon, il est possible d’en récupérer chez les imprimeurs/sérigraphes (attention, dans ce cas ils calculent le nombre de fils par cm² et non pas l’espacement des mailles). Il est facile de vérifier le maillage des filtres utilisés, à la loupe binoculaire.

    Pour aller plus loin

    Des études récentes menées par l'université du Maryland Biotechnology Institute suggèrent que les probiotiques alimentaires peuvent augmenter le succès des reproductions marines. L'utilisation de bactéries spécifiques comme Lactobacillus rhamnosus, associées aux proies d'élevage permettent d'améliorer le succès de la reproduction. De plus, ces bactéries améliorent le développement du squelette avec une réduction des déformations et augmente l'expression des gènes impliqués dans la croissance et le développement.

    Du fait d'une période d'incubation courte, les réserves des larves sont très faibles. Les larves doivent être nourries environ 12 heures après l'éclosion. Cette étape de nourrissage est cruciale sur le développement des alevins. La nourriture vivante doit être abondante et appétante. Les rotifères sont filtrés deux fois le premier jour, ce qui correspond à une production d’environ 20 litres de rotifères par jour (10 à 15 rotifères par millilitre). On complémente avec des nauplii de copépodes. Ces derniers sont plus attractifs que les rotifères du fait de leur déplacement saccadé et de leur appétence. Ils offrent un cortège d'éléments nutritifs très intéressant pour les alevins, notamment en acide gras. De bonnes productions en zooplancton permettent d’élever plus de 100 poissons-clowns par ponte.

    La croissance des jeunes larves est rapide et la quantité de nourriture doit fortement augmenter pour limiter la compétition. Selon ses disponibilités, il vaut mieux faire plusieurs distributions par jour, deux au minimum toutes les 10 à 12 heures. Il faut une densité optimale par larve, sans que la nourriture séjourne trop longtemps car elle perd de sa valeur nutritive, notamment pour les rotifères. Lors des changements d'eau, il est inutile d’introduire les proies filtrées dans le bac d'élevage, ces dernières étant appauvries elles doivent être remises en culture pour être à nouveau enrichies.

    Séquence du nourrissage :

    • Premiers jours : les alevins sont nourris avec un mélange de rotifères et de copépodes. A ce stade la coloration des alevins change, ils deviennent noirs.
    • 6ème jour : à partir de ce moment on introduit des nauplii d'artémias fraîchement éclos (12 heures) sans arrêter l'apport des rotifères et des copépodes. Du fait d'une compétition importante, les alevins ne sont pas tous au même stade de développement.
    • 11ème jour : la métamorphose a lieu à une température de 25 °C. Elle peut s'étaler sur plusieurs jours suivant la qualité de la nourriture. Cette étape peut aussi entraîner des pertes importantes car elle requiert un besoin énergétique important. Les larves prennent une couleur orangée et, le lendemain de la métamorphose, la première bande apparaît. Le comportement évolue également ; les larves recherchent le substrat et on les retrouve le plus souvent sur les joints en silicone de l'aquarium. Après la métamorphose, les larves ne sont nourries qu'avec des nauplii d'artémias enrichis et n'excédant pas trois jours de grossissement.
    • 20ème jour : une nourriture sèche à base d'astaxanthine (voir "Pour aller plus loin") est proposée avec les nauplii d'artémias. Le plus difficile est réalisé mais il faut rester attentif. On place une filtration biologique avec une mousse dans l'aquarium, pour contribuer à une bonne qualité de l’eau et en limiter les renouvellements. Les taux de nitrites et d'ammoniac sont vérifiés très fréquemment.
    • 21ème jour : la deuxième bande se dessine.
    • 35ème jour : le poisson-clown présente à ce moment trois bandes.
    • Plus tard : les nageoires vont se pigmenter progressivement en deux mois et demi.

     

    À gauche, A. ocellaris oranges âgés de 4 mois (nés le 30 juin 2011), à droite A. ocellaris noirs, également âgés de 4 mois (nés le 05 juin 2011). Les deux bacs sont côte à côte et reliés entre eux. On peut remarquer la nette différence de comportement entre les deux variantes. Le banc des A. ocellaris oranges est réparti dans le volume du bac alors que celui des A. ocellaris noirs se déplace en boule compacte.

     

    Il arrive que des poissons-clowns ne disposent pas de bandes complètes. Ce défaut pourrait être causé par une carence alimentaire au stade larvaire, lorsqu'on a beaucoup d’animaux et que la compétition est féroce. Il ne s’agit donc pas d’une mutation mais bien d’un problème physiologique qui peut se rattraper par la suite. Ce caractère est physiologique et non génétique, donc non transmissible : la descendance de ces poissons disposera de toutes ses bandes.

    Les alevins sont ensuite transférés dans des bacs de grossissement reliés à l'aquarium communautaire. Dans le système actuel, au niveau de la phase de grossissement, on compte 1 litre d'eau par poisson. Ils acceptent tous types de nourritures adaptées à leur taille au bout de deux mois (artémias surgelés, poudre lyophilisée, paillettes broyées...).

    5. Légendes aquariophiles ... concernant les poissons-clowns d'élevage

    Quelques "fausses vérités" sont répandues couramment et il est, à mon sens, important de les rectifier :

    • Le poisson-clown d'élevage serait moins susceptible de se mettre en symbiose avec une anémone car il n'en a jamais vu : cette affirmation est bien entendue totalement fausse. Si on propose une anémone, le poisson-clown se sentant en danger se précipitera dans l'anémone, et, même sans se sentir en danger, c’est un comportement inné. Pour preuve, je maintiens des clowns de deux mois dans un aquarium et ces derniers n'ont jamais vu d'anémone. Après l’introduction d'anémones Entacmea quadricolor, (anémones non présentes dans l'aire de répartition des Amphiprions ocellaris), il n'a pas fallu plus de 5 minutes pour que ces bébés clowns se retrouvent à l'intérieur de ces dernières. Cette association est instinctive. Cela se voit dès la métamorphose où déjà les jeunes larves cherchent un support, quitte à se rabattre sur les joints de l’aquarium. De même, dans les bacs communautaires, les clowns d'élevage acceptent également des coraux de substitution.
    • Le clown d'élevage est moins coloré que le clown sauvage : comme on l'a vu cela vient essentiellement de la nutrition. Des aliments riches en carotène offrent aux clowns d'élevage une coloration tout à fait normale.
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    A. ocellaris dans Entacmea quadricolor.
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    A. ocellaris dans Euphyllia sp.
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    A. ocellaris dans Zoanthus sp.

    6. Amphiprion ocellaris noir "Darwin"

    Ce poisson-clown est improprement appelé dans les pays anglo-saxons : Amphiprion percula noir (Black percula). Toutefois, il s’agit bien d’Amphiprion ocellaris, avec notamment 11 épines dorsales (parfois 10) alors que A. percula n'en a que 9 (parfois 10). A. ocellaris présente également des liserés noirs plus minces qu’A. percula. L'environnement, la qualité de l'eau, et l'alimentation sont responsables en partie de la coloration mais n’existe-t-il pas une composante génétique ?

    Les poissons sont capables de produire certains pigments alors que d'autres doivent être fournis dans l'alimentation (caroténoïdes et xanthophylles). Les pigments noirs et bruns sont produits dans des cellules appelées mélanocytes, ainsi, le genre Amphiprion noir est une variété mélanique.

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    Localisation d'Amphiprion ocellaris de Darwin

    On le retrouve naturellement en Australie sur une localisation bien précise, au niveau des îles Tiwi dans la région de Darwin. Les ancêtres des A. ocellaris darwiniens sont des A. ocellaris oranges. Cela signifie que le poisson a évolué pour produire une progéniture 100 % mélanique. Les poissons coralliens ont tendance à recruter sur les récifs où ils sont nés, ce qui peut aider à créer des variétés génétiquement isolées. Autrement dit, ce qui constitue une variante génétique aujourd'hui, peut devenir une nouvelle espèce dans les générations futures. Fondamentalement, les populations distantes géographiquement évoluent avec des pools génétiques séparés. Actuellement de la même espèce, les larves issues du croisement d'un A. ocellaris noir avec celles d'un A. ocellaris orange, sont fécondes. Mais leurs différences vont continuer à s’intensifier de manière à s'adapter à leur futur environnement écologique particulier. Au fil du temps et des générations successives, ces différences deviendront telles qu’ils seront incapables de se croiser. Afin de mieux percevoir cette évolution, je vous propose de revoir quelques notions de génétique.

    7. Un peu de génétique pour mieux comprendre…

    La génétique des populations est une discipline biologique qui étudie au travers du matériel génétique l’aptitude à la reproduction conforme, l’aptitude à être redistribué lors de la reproduction sexuée et l’aptitude à subir des mutations. Une population désigne l’ensemble des individus de la même espèce cohabitant dans la même aire géographique et reliés génétiquement les uns aux autres. Les individus membres d’une même population, qui appartiennent à la même espèce, présentent toujours entre eux une ressemblance foncière. Celle-ci est à la base de la notion courante d’espèce. Au sein de cette population s’opère le choix des conjoints pour les actes reproducteurs qui assurent le passage d’une génération à l’autre.

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    Les effets de la génétique ?.

    Dans une population, malgré l’existence d’un important fond génétique commun, les individus ne sont presque jamais génétiquement identiques. La description de cette diversité génétique est appelée polymorphisme. Parmi les caractères qui permettent de distinguer les individus, c’est à dire le phénotype, certains sont liés aux stades de développement et d’autres correspondent à des différences dans les génotypes individuels et leur existence traduit le polymorphisme de la population. Ainsi, le polymorphisme selon E. B. Ford (1940) correspond à la « présence simultanée et dans le même biotope de deux ou plusieurs formes discontinues, ou morphes appartenant à une même espèce et existant en proportions telles que la plus rare d’entre elles ne peut être maintenue au sein de l’espèce par la pression de mutation récurrente ». Le polymorphisme est la base même de l’évolution.

    Ce polymorphisme peut s’exprimer sous la forme de variations dans l’aspect extérieur des individus comme pour les A. ocellaris Darwin dont la robe a changé de couleur. Mais il peut s’agir aussi de caractères physiologiques et biochimiques (groupes sanguins) qui peuvent toucher des molécules protéiniques. Une même enzyme existe dans les individus d’une population sous des formes moléculaires différentes. L’origine de ces morphes est à rechercher dans les phénomènes mutationnels qui auraient pu se produire à un quelconque niveau du génome. Les morphes ne sont donc que des phénotypes représentant l’action d’un ou de plusieurs gènes, ou encore d’un ensemble considérable de gènes. Ainsi, les différences génétiques inscrites dans le génotype de chaque individu produisent des différences phénotypiques au niveau de la population.

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    Amphiprion ocellaris variété orange.

    Les fréquences génétiques sont soumises à des facteurs évolutifs comme la sélection naturelle ou la mutation. Ainsi la mutation maintient des gènes que la sélection tend à éliminer. Toute mutation individuelle se présente comme un accident rare imprévisible ; mais si on considère pendant plusieurs générations consécutives une population nombreuse, on découvre qu’il se produit un grand nombre de ces accidents à chaque cycle de reproduction. Dans la nature, il existe une action simultanée des mutations et de la sélection naturelle. L’action des mutations vise à déplacer les équilibres des fréquences géniques, commandés par les forces de sélection. Ainsi, grâce au jeu combiné des mutations et de la sélection naturelle, un nombre considérable de gènes défavorables persistent à une fréquence faible dans toute la population. Le jeu combiné de la sélection et des mutations tend à fixer les fréquences géniques sur les positions d’équilibre. Même dans des conditions parfaitement constantes, ces équilibres ne sont en fait réellement maintenus sans changement d’une génération à l’autre, que si l’effectif de la population est extrêmement grand. La limitation de l’effectif des reproducteurs introduit toujours une tendance à une variation aléatoire des fréquences géniques.

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    Amphiprion ocellaris. variété noire "Darwin"

    La plupart des espèces sont représentées, à chaque génération, par un nombre considérable d’individus. Il est cependant exceptionnel que ceux-ci forment une population unique que l’on puisse considérer comme panmictique. Dans la situation la plus courante, l’espèce est fragmentée en un certain nombre de groupes au sein desquels le choix des conjoints reste confiné. Ces groupes d’une même espèce présentent un certain nombre de différences génétiques. Cela reste vrai même lorsque l’isolement n’est pas absolu et qu’un courant d’échanges génétiques est entretenu par la migration, à chaque génération, de quelques individus d’un groupe à l’autre. Lorsque les conditions de vie ne sont pas strictement les mêmes pour divers groupes d’une même espèce, la sélection peut être l’un des facteurs responsables des différences génétiques qui s’établissent entre eux.

    Bien entendu, la tendance d’un groupe à acquérir par dérive une composition génique particulière est d’autant plus accentuée que l’effectif est plus limité et donc lorsque le nombre de géniteurs d’une population est faible. La limitation de l’effectif des reproducteurs introduit toujours une tendance à une variation aléatoire des fréquences géniques au cours de la succession des générations. Un élément purement aléatoire s’introduit dans la succession des générations : on parle alors de dérive génétique.
    Une occasion propice à cette diversification correspond à la fondation d’une population nouvelle isolée, par exemple une population insulaire, à partir d’un nombre restreint d’individus. Cette population peut présenter des caractères différents de la souche d’origine des fondateurs et cela peut être le point de départ d’un processus irréversible de divergence. C’est très certainement le cas pour la population d’Amphiprion ocellaris noirs. Il est possible que cette mutation se soit avérée avantageuse dans cette zone par rapport aux autres A. ocellaris de couleur orange. Cette région est connue pour abriter des animaux à formes mélaniques, il y a donc très certainement des signaux environnementaux qui favorisent cette coloration.

    Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer cette coloration :

    • Le sable de lave noire a peut-être provoqué l'évolution des animaux dans la région au cours des années du fait d'une sélection contre la prédation par un camouflage plus efficace.
    • Le mélanisme est également plus présent chez les poissons qui vivent en eau peu profonde, certainement du fait de leur besoin de protection contre les UV.
    • Chez certains animaux mélaniques, le système immunitaire est plus fort et cela induit une plus grande résistance aux infections virales.

    A ma connaissance, il n'y a pas eu d'étude officielle sur les propriétés de transmission du mélanisme chez les poissons. Le caractère noir de ces poissons-clowns est génétique et en partie influencé par l'environnement. Le mélanisme n'est toutefois pas déclenché uniquement par la lumière et d'autres facteurs entrent certainement en jeu. On peut penser que des composés chimiques provenant des nématocystes de cnidaires hôtes peuvent également jouer.

    8. Une nouvelle espèce ?

    Le rôle du polymorphisme dans les populations naturelles d’organismes apparaît immense, puisque c’est la matière première indispensable aux mécanismes de sélections naturelles. A long terme, cette variabilité permet de concevoir comment les effets sélectifs agissant sur des populations géographiquement isolées les unes des autres peuvent aboutir à la différenciation des espèces, ou spéciation.

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    En captivité, Amphiprion ocellaris s'adapte à son environnement et accepte Entacmea quadricolor.

    Le cycle de vie des organismes résulte d’un ensemble de traits qui contribuent à leur survie et à leur reproduction donc à leur valeur sélective (Maynard Smith, 1998). La sélection naturelle devrait favoriser les génotypes qui leur confèrent, de génération en génération, le taux de multiplication le plus élevé possible. Mais cela dépend des contraintes qui s’exercent sur le système population-environnement, c’est-à-dire de la nature des pressions sélectives qui s’exercent sur la dynamique de la population (compétition, conditions environnementales, perturbations...). Chaque organisme va apporter des ressources optimales entre les diverses fonctions vitales expliquant ainsi son profil écologique à travers différents critères tels que le taux de fécondité, de mortalité, l’âge de la première reproduction, la durée de vie. Si, dans le strict contexte écologique du lieu et du moment où elle se produit, une mutation augmente la valeur sélective de l’individu qui la recèle, elle peut se répandre dans la population et augmenter en fréquence. On peut dire que cette mutation est favorable pour l’organisme ou qu’elle est favorisée par la sélection naturelle. Mais la spéciation dépend de la présence, dans des isolats géographiques, d’une variabilité génétique suffisante pour que la sélection puisse agir. De plus la variation géographique de fréquences d’allèles (on appelle allèles différentes versions d'un même gène) est en corrélation avec les variations graduelles de certains paramètres du milieu, en particulier la température de l’eau chez les organismes aquatiques.

    Il existe une série de corrélations complexes entre certains facteurs écologiques du milieu ambiant et le genre de variabilité des niveaux d’hétérozygotie. Elles traduisent l’influence de la sélection naturelle dont les modalités d’action dépendent précisément du type de milieu.

    9. Conclusion

    Cet article a pour vocation de permettre à l’aquariophile de réussir à élever des Amphiprion spp. car c’est bien à la portée de tous. Nous avons tenté par ces quelques lignes de vous faire part de notre expérience, même si cette réussite a été précédée (et sera probablement suivie) de nombreux échecs. Il ne faut pas prendre cet exemple comme un protocole strict et figé, à suivre impérativement, mais simplement y puiser des informations pour l'adapter à vos besoins. C'est en confrontant nos expériences dans ce domaine que l'on pourra par la suite envisager des reproductions plus délicates.

    Dans l'ensemble, l'élevage des poissons-clowns est une expérience très enrichissante. Le temps passé à veiller sur la ponte, s'occuper des larves, la précision à trouver au niveau de l'enrichissement, la maintenance et les conséquences de la moindre erreur qui ne pardonne pas, ne sont que des étapes dérisoires face à la réussite d’une reproduction.

    Obtenir un couple d’Amphiprion ocellaris qui pond est aisé, cultiver des souches d’algues est facile, développer du zooplancton n’est pas très compliqué non plus. La vraie difficulté consiste à disposer de zooplancton en grande quantité simultanément à la phase de croissance de l’algue (étape ou elle sera la plus riche) et que cela coïncide avec l’éclosion.

    Enfin, le coût de l'opération n'est pas une limite car réaliser un élevage amateur sur de petits volumes ne représente pas un coût énorme. Finalement, les difficultés résident dans le temps à passer au niveau de la maintenance ainsi que de la place nécessaire pour réaliser l'élevage, bien qu'un garage, cave, placard, loggia, terrasse... suffit amplement à se faire plaisir. Ces deux contraintes peuvent ne plus exister si l'expérience est menée au niveau d'un club disposant d'un local. Avec deux ou trois personnes motivées pendant quelques jours, on peut obtenir des résultats intéressants en partageant ses connaissances et compétences.

    La reproduction des poissons marins est avant tout un challenge intéressant. Cela participe en plus, certes très modestement, à la préservation d’espèces prélevées dans le milieu naturel. Il y a toutefois encore un long chemin à parcourir avant de reproduire avec succès certains poissons. On se laisse vite prendre au jeu de la reproduction qui demande un dévouement sans limite et oubliez votre chambre parce que vos nuits seront bientôt rythmées par vos bacs d'élevage.

    10. Références bibliographiques

     

    Olivier SOULAT

     

    Article publié par Cap Récifal le 28 octobre 2011 avec l'aimable autorisation de l'auteur.

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