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  • Lutter contre les dinos : identification, état de l’art des moyens de lutte


    Poisson chat
    • Parmi les fléaux de l'aquariophilie récifale, il en est qui sont plus craints que d'autres, par l'incompréhension de leur apparition et l'absence de moyens fiables, performants et pérennes pour les éradiquer. Cet article aborde le cas d’un microorganisme encore mal connu. Micro mais grand ravageur dans nos aquariums. Il laisse l’aquariophile le plus souvent désemparé sur la marche à suivre. Il fait couler beaucoup d’encre et tapoter sur de nombreux claviers, chacun partageant son désarroi sans pour autant dégager de réelles solutions. Cet article synthétise les connaissances du moment au-delà de nos frontières. 

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    1. Que sont les dinos ?

    Les « dinos », abréviation de « dinoflagellés » sont des algues microscopiques présentes dans l’ensemble de nos bacs récifaux. Wikipedia fournira plus d'informations à leur sujet.

    Les zooxanthelles sont des dinoflagellés appartenant au genre Symbiodinium et ces derniers jouent un rôle important dans le métabolisme du corail. Les dinoflagellés ne sont pas tous considérés comme des indésirables, les zooxanthelles sont capables de réaliser la photosynthèse au sein d’une cellule animale en utilisant les déchets azotés et phosphatés du polype qui y sont plus concentrés que dans le milieu extérieur. Grâce à ces nutriments et la lumière ils élaborent de la matière organique : des sucres qui servent à nourrir le polype. Cependant, certaines espèces de dinos peuvent être de véritables fléaux pour nos bacs : c’est d’elles dont il est question dans cet article (où l’on utilisera de manière abusive le terme générique « dinos » pour ne décrire que les espèces nuisibles, alors que d’un point de vue du biologiste la réalité est plus complexe comme décrit ci-dessus).

    Les points clés à retenir sont les suivants :

    • Algues unicellulaires microscopiques, s’agglomérant en amas sur les substrats ;
    • Algues photosynthétiques, donc ayant besoin de lumière pour se développer ;
    • Pourvus d’un flagelle (d’où leur nom), ils sont capables de se déplacer, cela s'observe très bien au microscope., d’où l’adage aquariophile, lors d’une observation : « si ça bouge, c’est que c’est de la dino ! » [ndlr : l'aquariophile devrait évoquer le dino, au masculin]

    Ces algues s’agglomèrent entre elles formant, selon les espèces, soit une sorte de petit tapis poussiéreux brun (couleur rouille) pouvant facilement être confondu avec une explosion de diatomées, soit plus généralement un tapis muqueux, de couleur brun clair / verdâtre / jaunâtre, pouvant atteindre un centimètre d’épaisseur, où des bulles et des filaments plus ou moins longs viennent se former durant la journée

     

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    Bac infesté de Chrysophytes. Ce ne sont pas des dinos, mais l’aspect visuel et la problématique sont similaires.

    2. En quoi les dinos sont-elles un souci pour nos bacs ?

    Les dinos sont un véritable fléau dans nos bacs, pour les raisons suivantes :

    • Présents à l’état de trace dans pratiquement tous les bacs, ils peuvent véritablement et soudainement envahir intégralement un bac si les conditions sont réunies : sable, roches, mais aussi coraux. Au-delà de l’aspect très inesthétique, en cas d’envahissement le risque de perdre de multiples coraux, étouffés sous les dinos, est réel.
    • La plupart des espèces de dinoflagellés sont toxiques, certaines même très toxiques. Mort assurée pour la microfaune et les brouteurs (escargots, oursins), empoisonnés par les toxines. C’est tout l’écosystème du bac qui s’effondre.
    • Aucun prédateur connu pouvant vivre dans nos bacs.
    • Pour la plupart des espèces rencontrées dans nos bacs il n'existe aucune solution « miracle » pour s’en débarrasser.

    Bref, on aura compris que l’on fera tout pour les éviter, et que l’on va transpirer pour s’en débarrasser.

    3. Comment éviter l’invasion ?

    Éradiquer une invasion de dinos est en général un processus long, douloureux, et parfois incertain. De nombreux aquariophiles ont même arrêté le récifal suite à une explosion de dinos qui n’a pas pu être gérée. On prendra donc un soin particulier à mettre toutes les chances de notre côté pour éviter une telle prolifération ou, à minima, minimiser les risques d’un développement.

    Comme expliqué, les dinoflagellés sont présents à l’état de trace dans l’ensemble de nos bacs. Si le bac « fonctionne bien », alors les algues resteront sous contrôle, présentes en quantité minime, invisibles et sans conséquence. Mais en cas de déséquilibre du bac, elles peuvent soudainement échapper à tout contrôle et envahir rapidement l’ensemble du bac.

    A propos des phosphates

    Les phosphates sont présents dans nos bacs sous 2 formes :
    - La forme organique (organophosphates), où les PO4 sont associés à un radical organique. Ils sont en partie éliminés par l’écumeur.
    - La forme inorganique (orthophosphates et phosphates condensés), où les PO4 sont liés à un cation métallique.
    Nos tests ne mesurent que les phosphates inorganiques : on peut donc avoir des phosphates dans le bac alors que nos tests mesurent « zéro » . Notons également que même les tests aquariophiles les plus précis du marché tels que les photomètres Hanna ULR, accusent une incertitude. Une mesure de 0,00 mg/l peut correspondre (et en général correspond) à un taux de PO4 inorganiques très faible, mais non-nul.
    Pour simplifier, on parlera dans cet article de « taux de phosphates / PO4 nul » lorsque le taux de PO4 mesuré par nos tests indique une valeur nulle.

    Le point clé à toujours garder en tête est que les dinos sont des algues « d’eau propre ». Si l’eau du bac est trop « pure », c’est à dire trop pauvre en phosphates (PO4) ou nitrates (NO3), alors le film bactérien naturellement présent sur les pierres et le décors, ainsi que les algues vertes, seront limitées dans leur croissance. Cela libérera la place pour la dino, qui au contraire prolifère dans tel environnement.

    En conséquence, on fera attention à ne jamais laisser PO4 et NO3 tomber à zéro.

    L’aquariophile redoublera particulièrement de vigilance durant les premiers mois de vie d’un nouveau bac, et d’autant plus si celui-ci est démarré avec une forte proportion de pierres mortes. Le jeune bac n’a alors pas encore trouvé l’équilibre biologique, et il peut « basculer » dans un envahissement par des dinos beaucoup plus facilement qu’un bac mûr, doté d’un biotope bactérien diversifié et d'une microfaune riche et développée. On portera une attention particulière à ne jamais laisser les PO4 tomber à zéro, et on évitera tout choc sur l’écosystème (augmentation brusque de l’éclairage, variation brutale des paramètres physico-chimiques de l’eau etc), action tentante pour les impatients dans un bac encore non peuplé… mais non dépourvu de vie microscopique dont certaines espèces nuisibles comme les dinos pourraient bénéficier.

    Le risque est particulièrement élevé pour les PO4, qui ont très mauvaise réputation en aquariophilie récifale. Si elles deviennent toxiques pour les coraux au-delà de 0,1ppm, il est fondamental de disposer toujours d’une concentration minimum de PO4 (entre 0,05 et 0,1ppm), le phosphore apporté par les phosphates étant un élément clé du fonctionnement cellulaire. Étant donnée leur très mauvaise réputation, la tentation peut être forte d’utiliser des résines « anti-PO4 » (il suffit de voir le nombre de références de ce type proposées par les différents sites de vente en ligne par rapport au nombre très réduit de références de produits permettant au contraire d’augmenter les PO4), et donc d’avoir un bac trop pauvre en PO4. Ce qui ouvre en grand la porte aux dinos.

    On visera donc les paramètres suivants :
    PO4 : entre 0,05 et 0,1 ppm
    NO3 : entre 5 et 10 ppm.

    Que les choses soient claires : de tels taux ne sont en rien nuisibles intrinsèquement pour les dinos. Au contraire, remonter ainsi les taux de PO4 et NO3 va même les booster. L’astuce, c’est que ces taux vont également booster, et vont surtout booster davantage, d’autres organismes microscopiques (protistes etc), qui seront ainsi en position de force pour s’emparer des niches écologiques actuellement occupées par les dinos. En clair, nous allons organiser un coup d’état, en armant un peu les méchants mais bien davantage les gentils.

    4. Une algue a envahi mon bac : s’agit-il de dino ?

    Selon le type de dino, le bac peut présenter deux aspects typiques :

    • Cas A : pierres, sable, voire coraux, envahis d’algues jaunâtres/verdâtres, d’aspect muqueux, dont l’épaisseur évolue au cours de la journée. Présence en soirée de bulles, et/ou apparition de filaments plus ou moins longs.
    • Cas B : « Poussière » couleur rouille, recouvrant généralement le sable et les pierres les plus basses, pouvant être confondue avec une explosion de diatomées.

    La plupart des algues dinos étant toxiques, la mort des brouteurs (escargots sur le dos typiquement) doit également vous alerter.

    Une eau plus jaune le matin que le soir, sans que le charbon actif ne fasse effet, est également un signe qui doit amener à s’interroge. En effet, la plupart des dinos, mais pas tous, retournent dans la colonne d’eau le soir et se fixent sur les substrats en journée.

    Dans le cas A, il peut être important de s’assurer que l’on n’a pas affaire à une simple invasion de cyanobactéries (« cyano »). Le diagnostic différentiel sera effectué de la manière suivante :

    • Couleur : en eau de mer, la cyano est généralement couleur « vin rouge », parfois vert vif. Les dinos forment au contraire un mucus jaunâtre/verdâtre, parfois marron.
    • Test à l’eau oxygénée à 3 %: prélever un échantillon dans le bac, le placer dans 100 ml d’eau de mer. Ajouter un peu d’eau oxygénée. Des bulles vont se former sur la cyano à partir de 3 ml d’eau oxygénée versée, et très nettement à partir de 5 ml. Aucune bulle ne se formera sur les dinos.

    5. Damned, je suis envahi de dino ! Que faire ?

    5.1. Identifier l’ennemi

    Imaginer que vous vous rendiez chez le médecin avec un mal de ventre. Que le médecin consulte divers forums, lise un commentaire du type « j’ai eu un patient avec des symptômes similaires, j’ai enlevé l’appendice et cela a résolu le problème ! ». Le médecin, confiant, procède donc à l’ablation de votre appendice. Deux semaines plus tard, votre cas ne s’est pas amélioré. Le médecin retourne sur les forums et lit un autre commentaire : « j’ai fait une chimiothérapie à un patient présentant ce type de symptôme, ça a été radical ! ». Le médecin vous met donc sous chimio. Un mois plus tard, votre situation a encore empiré. Votre médecin retourne sur les forums et revient avec un troisième diagnostique et une troisième idée de traitement... Accepteriez-vous de vous faire traiter ainsi ? La bonne approche consiste déjà à poser le bon diagnostic, puis à traiter en conséquence.

    Il en va de même pour les dinos : en effet, il n’y a pas UN type de dino mais DES espèces différentes. Une action permettant d’éradiquer une espèce particulière de dino peut être sans effet sur une autre, et même avoir un effet négatif sur une troisième.

    Lorsqu’il s’agit de dinos, il est fondamental de poser d’abord un diagnostic clair avant d’agir. C’est la première étape incontournable du succès.

    5.2. Comment identifier l’ennemi ?

    La mauvaise nouvelle, c’est que vous aurez besoin d’un microscope. Il n’y a pas d’autre solution. La bonne nouvelle, c’est que vous n’aurez pas besoin d’un matériel professionnel valant plusieurs centaines d’euros : un simple microscope jouet type « la mallette du petit chimiste, à partir de 12 ans » suffit.

    Prélever un peu de « la bête », préparer la lame, et observer.

    S’il existe plusieurs centaines d’espèces de dinos, voici celles rencontrées généralement dans nos bacs, et que vous devez être capable de reconnaître. Elles sont classées par fréquence d’apparition (du plus fréquent au plus rare).

    Ce lien propose plusieurs vidéos de vues au microscope des principaux type de dinos : comme le type de mouvement est un des critères clés d’identification, il est vivement recommandé de s’y référer !

    Ne pas hésiter également à faire quelques recherches YouTube, qui regorge de telles « vues au microscope ».

    Ostreopsis

    Cellules individuelles, de forme « grain de sésame » (ovale pincé à un bout). Ces cellules bougent, mais d’une manière très particulière et caractéristique : elles tournent en rond sur elles-mêmes, comme ancrées en un point fixe situé à l’extrémité du bout pincé. Il s’agit là du type de dino rencontré le plus fréquemment. Mauvaise nouvelle, c’est également le plus agressif, mais bonne nouvelle, c’est également le plus facile à traiter (et même la seule espèce de dino traitable sans trop de souci).

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    Vue au microscope d’Ostréopsis.

    Amphidinium à grandes cellules

    Forme identique à Ostreopsis, mais le mouvement est très différent. La nage est en effet libre, on voit la cellule se déplacer par à coup à travers le champ du microscope, en général de manière plutôt lente et « pataude ».

    Contrairement aux autres dinos qui présentent au niveau du bac un visuel de PV envahies de mucus jaunâtre/verdâtre, cette espèce présente un aspect de poussière fine, couleur rouille, généralement sur le sable et les pierres basses. De ce fait, elle peut être aisément confondue (avant observation microscopique) par une classique invasion de diatomées.

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    Sable infesté d’Amphidinium à grandes cellules. Remarquez les petites tâches violettes : apparition d’un peu de cyanobactéries qui vont former des bulles le soir, pouvant perturber le diagnostic, Amphidinium à grande cellule n’en faisant généralement que très peu.

    Prorocentrum

    Forme quasi-ovale, mais avec une symétrie parfaite. Présence d’un petit disque plus clair au centre. Mouvements assez similaires à Amphidinium à grandes cellules, mais en nettement moins dynamique. On peut souvent observer des cellules restant parfaitement immobiles.

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    Prorocentrum au microscope

    Amphidinium à petites cellules

    Plus rare. Forme similaire à Amphidinium à grandes cellules, mais comme son nom l’indique, beaucoup plus petites. Au microscope, grossissement 800x, si Amphidinium « grandes cellules » montre des cellules occupant une bonne part du champs et immanquables, « petite cellule » montrera des cellules nettement plus petites (« grain de riz »). De plus, elle bouge de manière nettement plus rapide que « grande cellule » : « petite cellule » peut traverser le champ en quelques secondes et bouge dans tous les sens assez vigoureusement et erratiquement, là où « grande cellule » se déplace beaucoup plus mollement et « lourdement », souvent en décrivant des sortes de cercles.

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    Vue au microscope : une cellule « Amphidinium à grande cellule » et de multiples « Amphidinium à petites cellules ».

    Coolia

    Assez rare. Contrairement aux autres types de dinos, les cellules sont parfaitement rondes, ce qui la rend facilement identifiable au microscope. Ces cellules bougent par petits à coups, en changeant souvent de direction. Au final, cela donne un peu l’impression qu’elles dansent en formant des petits cercles.

    L’invasion est généralement dans la partie basse du bac, souvent sur le sable.

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    Coolia au microscope,

    Chrysophytes

    Les Chrysophytes sont également des algues unicellulaires , mais ce ne sont pas des dinos ! Cependant, l’aspect extérieur de l’invasion étant très similaire aux dinos (pierres vivantes recouvertes de mucus, formation de bulles le soir, filaments etc), la confusion est courante. Par rapport aux dinos, une fois sorti de l’eau un fragment garde sa cohésion (sensation d’avoir du mucus nasal dans la main, ou une sorte de gelée), contrairement aux dinos qui vont perdre toute cohésion et retourner à l’état de cellules individuelles hors de l’eau.

    Au microscope, les Chrysophytes se distinguent comme des amas de très nombreuses toutes petites cellules rondes, parfaitement et systématiquement immobiles, engluées dans un mucus. Impossible de les confondre avec des dinos. De plus, l’aspect général au niveau du bac est davantage brun foncé (d’où l’appellation anglais de « golden-brown algea », ou « golden algea », algue brun-dorée).

    Leur toxicité est non-nulle mais faible, et ils produisent tellement de mucus qu’ils peuvent recouvrir décor et coraux.

    5.3. Organiser la lutte

    Action commune, quel que soit le type de dinoflagellé (ou chrysophyte) identifié

    Les dinos et les Chrysophytes (pour faire plus court nous utiliserons uniquement le terme « dinos » dans la suite de l’article pour couvrir à la fois les deux termes même si les Chrysophytes ne sont pas des dinos), sont des algues « d’eau propre ». Il est donc fondamental de mettre en place une concurrence par d’autres espèces d’algues, en particulier les algues vertes, pour les « éjecter » de la niche écologique qu’elles ont occupée. Ce sera la base de la stratégie de lutte.  « Pousser » l’écumeur dans l’espoir d’affamer l’algue ne va faire qu’accroitre l’invasion.

    Pour cela, on remontera le taux de PO4 entre 0,05 ppm et 0,1 ppm, et le taux de NO3 entre 5 et 10 ppm. Si l’un de ces taux est trop bas, augmenter le nourrissage et/ou réduire l’écumeur. Cela suffit en général pour remonter le taux de NO3, mais peut s’avérer insuffisant pour remonter les PO4. On pourra alors utiliser (avec précautions) des produits de type « PO4+ » pour apporter du phosphore à l’écosystème. Dans ce cas, s’assurer d’avoir également sous la main de la résine anti-PO4 (non périmée), pour pouvoir agir immédiatement en cas de surdosage malheureux, qui pourrait avoir un effet très néfaste pour le bac.

    Actions spécifiques, selon l’espèce

    Ostréopsis

    Cette algue quitte spontanément son substrat pendant la nuit pour retourner dans la colonne d’eau. Pour l’éliminer, on filtrera donc simplement sur UV, pendant 5 à 7 jours minimum. Voir ci-dessous pour le dimensionnement de l’UV.

    Attention : Ostréopsis secrète une toxine très dangereuse : la palytoxine. Lors de la mort des cellules via le traitement UV, cette toxine va se libérer dans l’eau du bac. Elle peut s’avérer mortelle pour les invertébrés, voire les poissons, et même dangereuse pour les humains. Lors du traitement, limiter les contacts avec l’eau, et faire bien attention aux enfants et animaux domestiques. Aérer la pièce. Il est vivement recommandé de placer du charbon actif dans la cuve technique durant le traitement (le charbon absorbera la toxine).

    C’est typiquement le type de cas où mettre le produit « magique anti-dino » se termine mal : si le produit tuera peut-être la dino, les toxines relâchées vont aussi tuer une partie du vivant. Impossible alors de mettre du charbon dans la décante, car celui-ci absorberait les toxines comme le produit...

    Amphidinium à grandes cellules

    La bonne nouvelle, c’est qu’il s’agit de l’espèce la moins dangereuse pour le bac. Sa toxicité est très faible voire nulle, et elle attaque peu voire pas du tout les coraux. La mauvaise nouvelle, c’est qu’il s’agit aussi de l’espèce la plus difficile à combattre. En effet, contrairement aux autres dinos, elle ne retourne pas dans la colonne d’eau la nuit mais s’enfouit dans le sable. Les UV sont donc inefficaces, ainsi que la plupart des produits chimiques.

    Il n’y a malheureusement pas de solution magique, ce sera forcément long et compliqué. Le consensus actuel étant le suivant :

    • S’assurer que PO4 et NO3 sont bien dans les valeurs cibles, afin de favoriser la concurrence.
    • Doser en silicate (environ 1 ppm), afin de favoriser une explosion de diatomées qui fera concurrence à la dino.
    • Éviter tout changement d’eau, tout apport d’oligoéléments, de « produits magiques » etc., qui peuvent nourrir la dino.
    • Certains auteurs recommandent de siphonner les taches au fur et à mesure, d’autres considèrent que cela va accroître les perturbations d’un écosystème déjà bien mal en point et donc, in fine, aggraver le problème. L’aquariophile agira selon sa conscience.
    • S’armer de patience et se préparer mentalement à ce que cela prenne du temps.

    Si le bac contient du sable, la question de son retrait peut légitimement se poser. En effet, rappellons-nous que cette espèce s’enfouit dans le sable la nuit. Le consensus est qu’il vaut mieux ne pas le faire car cela va fortement déséquilibrer le bac et, même si cela va aider à faire partir la dino, son retour est probable dès sa réintroduction. Le consensus n’est cependant pas fermement établi. Il appartient donc à chaque aquariophile de procéder selon ce qu’il juge comme étant le mieux pour son bac.

    Certains aquariophiles (mais pas tous) notent une amélioration de la situation suite à l’ajout de microfaune : cette espèce de dino étant faiblement voire pas du tout toxique, certaines espèces de la microfaune peuvent avoir envie de la mettre à leur menu. Attention cependant de bien s’assurer que le bac est envahi uniquement par cette unique espèce de dino : si une autre espèce toxique est également présente, la microfaune va très rapidement mourir et vous perdez votre argent.

    Prorocentrum

    Traitement UV classique, mais contrairement à Ostreopsis, Prorocentrum ne retourne pas spontanément dans la colonne d’eau la nuit : il va donc falloir la motiver un peu. Cela peut se faire via un changement des conditions environnementales, et typiquement par de courts black-outs de 2 à 3 jours. Attention à rallumer l’éclairage de manière progressive suite à de tels black-outs, afin de ne pas risquer de « cramer » les coraux.

    Amphidinium à petites cellules

    Cette dino retournant dans la colonne d’eau la nuit, le traitement UV s'impose. Nettement plus compliqué cependant que pour Ostréopsis car Amphidinium à petites cellules n'y retourne pas de manière aussi systématique. Il faut donc prévoir un traitement sur plusieurs semaines. Sa toxicité étant moyenne à forte, le charbon est indispensable dans la cuve technique avec les précautions identiques à Ostréopsis.

    Coolia

    Traitement similaire à Prorocentrum.

    Chrysophytes

    Les Chrysophytes ne retournent pas dans la colonne d’eau la nuit, le traitement UV s'avère inefficace.

    Le traitement est lent et pénible et il le sera d’autant que l’on aura laissé l'envahissement s’installer.

    La méthode faisant consensus est simplement de remonter PO4 et NO3 aux valeurs recommandées, et de laisser la concurrence faire son travail. Siphonner autant que possible, on recommande même de frotter les pierres à la brosse à dent pour éliminer tout ce que l’on peut. Installer une résine anti-silicates va aider à s’en débarrasser, car les Chrysophytes ont besoin de silicates pour constituer leur membrane cellulaire : on utilisera pour se faire une résine anti-PO4 classique, qui élimine aussi les silicates durant les premières 24 heures de fonctionnement. Au-delà, elle élimine essentiellement les PO4, ce qui ne nous arrange pas puisque nous devons chercher à les remonter. Par conséquent, ne pas laisser la résine plus de 24 à 36 heures, car la clé de la lutte contre cet envahisseur va être de remonter les PO4 au plus près de 0,1 ppm, mais pas au-dessus.

    Certains auteurs rapportent également de bons retours suite à une période de black-out de 3 jours. Ce ne serait pas suffisant pour la faire disparaître, mais cela contribue à l’affaiblir.

    J'ai personnellement constaté, cela vaut ce que ça vaut, un fort retrait des Chrysophytes suite à une supplémentation en iodure de potassium au-delà de 0.1 ppm.

    En désespoir de cause : l’arme chimique.

    Les américains confirment la forte efficacité du Fluconazole quant à l’éradication des Chrysophytes. Le dosage habituellement utilisé outre-Atlantique est de l’ordre de 1 gramme par cent litres d’eau du bac, sans qu’il soit bien sûr possible de dire s’il s’agit du dosage idéal ou d’une approche très surdosée. Simplement « ça marche » ainsi. Laisser agir 72 heures, écumeur coupé, et bien entendu sans charbon dans la cuve technique. Puis redémarrer l’écumeur et placer du charbon actif pour absorber la molécule. Des auteurs recommandent également un changement d’eau significatif de 30 à 40 %. Si vous décidez d’opter pour cette approche, il est important d’avoir en tête que, comme pour tout ajout de médicament dans nos bacs, l’impact précis et exhaustif sur l’écosystème de nos bacs n’est pas connu. Les américains ayant appliqué cette méthode rapportent que le bac n’a souffert d’aucun dommage (autre que les Chrysophytes qui n’ont pas du tout aimé, c’est un peu l’objectif de la démarche). Mais il s’agit en général de commentaires « à chaud » sur les forums. L’impact au niveau de la microfaune, et dans la durée, n’est pas connu.

    Bien entendu, pour éviter toute réapparition, la clé consiste à traiter la cause racine à savoir un manque de PO4 et/ou de NO3 dans l’écosystème.

    Le traitement au Fluconazole est cependant sans efficacité sur les dinos.

    Posologie UV, pour les cas de dinos où l’utilisation d’UV est pertinente :

    • UV largement dimensionné, les forums US recommandent 1W pour 4 gallons (soit 1W pour 15L).
    • Privilégier un passage lent dans l’UV, afin de bien laisser le temps au rayonnement UV de détruire les cellules. On mettra typiquement en place un flux de l’ordre de 1 fois le volume du bac par heure, maximum 2 fois.
    • Idéalement, aspirer et refouler directement dans le bac, pour davantage d’efficacité. Si pas possible, alors aspirer et refouler dans la décante reste une solution parfaitement acceptable, mais qui va allonger un peu la durée du traitement.

    Et si je suis envahi d’un peu de tout ça en même temps ?

    Et oui, c’est malheureusement possible ! Moi-même, j'ai ainsi gagné le gros lot, avec une invasion simultanée de Chrysophytes, d'Amphidinium à petites cellules et d'Amphidinium à grandes cellules…

    Dans un tel cas de figure, certaines recommandations seront forcément contradictoires : la lutte contre les Chrysophytes recommande ainsi de baisser au maximum les silicates, celle contre Amphidinium à grandes cellules recommande au contraire de fortement l’augmenter…

    Chaque cas devient alors particulier, et il faudra prioriser la lutte en fonction du pouvoir de nuisance de chaque espèce. En se souvenant que pour l’ensemble d’entre elles, un taux non-nul de PO4 et NO3 reste la base de la lutte.

    5.4. Tableau de synthèse

    Espèce Ostreopsis Amphidinium
    à grandes cellules
    Amphidinium
    à petites cellules
    Coolia Prorocentrum Chrysophytes
    Aspect
    dans le bac
    Vert/jaune Aspect poussiéreux, couleur rouille.
    Peut facilement se confondre avec une invasion de diatomées.
    Vert/jaune Similaire à Amphidinium à grandes cellules Vert/jaune

    Jaune pâle à brun doré.

    Contrairement à un amas de dinos, un prélèvement garde sa cohésion sorti hors de l’eau (aspect mucus nasal ou gelée)

    Mucus Moyen Faible Faible Moyen Important Très important
    Bulles Élevé Faible Faible Faible Moyen Faible
    Filaments Long (plusieurs cm) Pas de filaments Courts Courts Courts, voire pas de filaments Long (peuvent atteindre plusieurs cm)
    Position dans le bac (en général) Haut Sable, pierres du bas. Pas de préférence Bas du bac, souvent sur le sable. Plutôt bas du bac, mais pas systématique. Intermédiaire, mais peut contaminer l’ensemble du bac
    Taille des cellules 40-80 µm 30-60 µm 10-15 µm 30-50 µm 30-60 µm 5-15 µm
    Apparence au microscope Grain de sésame, tournant en rond sur lui-même, comme ancré en son extrémité pointue. Grain de sésame, se déplaçant librement de manière lente et « pataude ». Grain de sésame, apparaissant tout petit au grossissement 800x (contrairement à Ostreopsis et « grandes cellules » qui occupent alors une part importante du champ). Mouvements secs et rapides. Cellules bien rondes, se déplaçant par à coups, dessinant généralement de petits cercles. Similaire à Amphidinium à grandes cellules, mais aspect bien symétrique avec un petit rond plus clair au centre. Moins mobile que Amphidinium à grandes cellules, souvent immobile (englué dans du mucus). Amas de toutes petites cellules rondes, parfaitement immobiles (ce ne sont pas des dinos).
    Toxicité Très élevée, potentiellement dangereuse pour l’homme Nulle à faible Faible à moyenne Faible à moyenne Moyenne à élevée Nulle ou très faible
    Comportement nocturne Retourne systématiquement dans la colonne d’eau S’enfouit dans le sable Retourne partiellement dans la colonne d’eau Retourne partiellement dans la colonne d’eau Retourne dans la colonne d’eau, mais doit y être un peu incitée. Pas de comportement particulier, reste en place
    Facilité d’éradication Facile Très compliqué Intermédiaire Intermédiaire Intermédiaire Compliquée
    Traitements spécifiques UV 5 à 7 jours UV inefficaces et inutiles.
    Doser le silicate à environ 1 ppm, pour essayer de concurrencer les diatomées.
    Seule espèce très peu voire non toxique, donc ensemencer (sans garantie) en microfaune qui pourrait compléter son menu.
    S’armer de patience et garder espoir.

    UV plusieurs semaines.

    Cette espèce ne retourne pas spontanément dans la colonne d’eau durant la nuit, il faut donc l’y pousser, par exemple via un black-out de 2 à 3 jours.

    UV, mais il faudra inciter Coolia à quitter son substrat pour migrer dans la colonne d’eau, typiquement en effectuant un black-out de 2 à 3 jours. UV, mais il faudra inciter Prorocentrum à quitter son substrat pour migrer dans la colonne d’eau, typiquement en effectuant un black-out de 2 à 3 jours. Siphonner au maximum, brosser à la brosse à dent les zones infestées.
    Utiliser une résine anti-silicates (résine anti-PO4 utilisée 24 h max)
    Effectuer des black-outs de 3 jours.
    Agir rapidement avant que l’invasion ne soit trop importante.
    S’armer de patience et garder espoir.
    Traitement commun Assurer un taux de PO4 entre 0,05 et 0,1 ppm
    Assurer un taux de NO3 entre 5 et 10 ppm
    Ne pas laisser ces taux descendre en dessous du seuil bas dans la durée

    6. Ciel, à présent la cyano attaque !

    Après une longue lutte, les dinos reculent enfin… mais à présent la cyano arrive ! Est-ce le moment de baisser les bras devant ce nouvel envahisseur ? Pas du tout !

    Les dinos vont laisser, sur le plan de la biologie, un champ de ruines derrière eux, qu’il va falloir reconstruire. Les premières arrivantes seront les cyanos, qui régresseront ensuite à mesure que l’écosystème se rétablira.

    Lorsqu’on lutte contre les dinos (et les Chrysophytes), l’arrivée de cyano est donc une bonne nouvelle. On s’abstiendra alors de toute « lutte » contre cette cyano, et en particulier on évitera tout ajout de produit miracle « anti-cyano » durant cette période. Il est fondamental de laisser le temps au fragile équilibre biologique de se reconstruire, le passage par une phase « cyano » est parfaitement normal.

    Il faut laisser du temps au temps.

    7. En savoir plus

     

     

    Lionel POIBLANC

    Article publié par Cap récifal le 21 décembre 2020 avec l'aimable autorisation de l'auteur.

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